C’est sans doute un peu ringard mais j’ai toujours été un grand amateur de listes de fin d’année. Entre classements des meilleurs films et prédictions pour l’année suivante, c’est un moment idéal pour faire de nouvelles découvertes et voir ce que j’ai pu rater.
Je me suis moi-même prêté au jeu l’an dernier en résumant les enseignements les plus précieux appris auprès de mes invités. Pour 2021, j’ai songé à innover… avant de me raviser. Serais-je devenu plaon-plaon ?
Relire toutes les newsletters de l’année pour créer cette édition m’a donné un vrai sentiment de satisfaction. Car si Plumes With Attitude n’a pas vraiment changé dans la forme (mis à part un nouveau logo !), j’aime beaucoup la façon dont le fond du propos a évolué dans de nombreuses directions.
Tout d’abord, je suis vraiment heureux d’avoir pu recevoir certaines de mes plumes préférées — notamment certaines que je pensais hors de portée. J’ai aussi une certaine fierté non dissimulée à avoir été le premier à interviewer plusieurs créateurs émergents, le tout dans mon petit média indépendant. J’ai également pu aborder certaines thématiques auxquelles je ne me serais pas forcément attendu en commençant l’année : de l’amour à la politique, en passant par l’absurde et les NFT.
Autant dire que je n’ai jamais autant voulu connaître la suite de l’histoire du projet. Celle-ci s’écrira bien sûr avec vous. Depuis le début de l’aventure, les mails enjoués et rencontres avec les lecteurs m’ont toujours (re)donné l’énergie pour continuer à lire, écrire, interviewer et recommencer. Certains sont devenus camarades de plumes, d’autres de véritables amis.
Alors que vous ayez dévoré une édition, que vous ayez une question à me poser, que vous soyez d’humeur à débattre ou que vous ayez une actu à relayer, toutes les raisons sont bonnes pour lancer la conversation. D’ici là, je vous invite à revenir ensemble sur un concentré de tout ce que j’ai pu retenir de mes rencontres avec la vingtaine de plumes passées par la newsletter cette année.
Bonne lecture à tous,
Benjamin
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Trouver son équilibre dans le déséquilibre
En 2020, on a beaucoup parlé du “monde d’après”. Un an plus tard, “metaverse” est passé dans le langage courant et “NFT” est le mot de l’année. Quelle vie !
Si ma génération a grandi avec Internet, tout semble indiquer que nous sommes de plus en plus amenés à vivre sur Internet. Face à cette montée du temps d’écran, une réflexion propre à chacun me semble indispensable : que devons-nous attendre de cette “vie en ligne” ?
Dans notre interview (cf. PWA #35), Sari Azout avance l’idée que notre temps passé sur Internet sans inspiration est l’une des ressources les plus sous-utilisées au monde. Et prône une approche plus équilibrée de la consommation de contenu, mais aussi de sa création. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si sa publication Check Your Pulse est ma newsletter préférée, notamment par un attribut que j’ai toujours valorisé : la rareté.
Ma conversation avec Patrick Rivera (cf. PWA #38) aura constitué un premier tournant dans mon année. Cette rencontre m’aura tout d’abord amené à exporter une sélection d’interviews sur la plateforme Mirror. J’aurai également mis en pratique son invitation à “s’affranchir de l’habitude de la commodité [sur Internet] pour pouvoir aller vers l’expérimentation”. Mon exploration de l’univers Web3 — et ses nombreuses frictions — m’a souvent évoqué une pratique pourtant très éloignée de mes habitudes : le bricolage, à la fois casse-tête et bon pour la tête.
Plus récemment, j’ai pu aborder l’un de mes sujets préférés avec le journaliste Kyle Chayka (cf. PWA #48) : le goût. Selon lui, NFT et social tokens constituent des leviers [financiers] sans précédent pour soutenir des projets et créateurs émergents — tout en nous incitant à développer de nouvelles capacités de discernement. Ses propres expérimentations avec sa newsletter Dirt m’en auront appris énormément sur les nombreuses opportunités de Web3 entre curation et création de médias.
Maîtriser l’art de la dispersion
À bien des aspects, le monde me donne l’impression d’avancer plus vite que jamais. Sans doute la faute au prisme d’Internet et à notre fâcheuse tendance à ne plus pouvoir déconnecter. Dans un contexte où notre attention est à l’épreuve en permanence, on peut très vite se sentir complètement dépassés. Et si une solution consistait tout simplement à apprendre à mieux se disperser ?
Dans ma première interview de 2021, Max Nussenbaum (cf. PWA #30) évoquait l’idée que vivre de sa plume demain ressemblera moins à un métier à plein temps qu’à une multiplication d’activités et de revenus autour de ses écrits. L’autre variable qui change la donne dans le milieu de la création est celle de l’identité. En témoigne le retour en force de l’anonymat en ligne et la montée de la pseudonymous economy, dont j’ai eu la chance de pouvoir parler avec la brillante Fadeke Adegbuyi (cf. PWA #45).
L’évolution de nos vies semble donc tendre vers une multiplicité des activités, identités, mais aussi… opportunités. En 2021, je ne vois pas de parcours aussi emblématique que celui de Jackson Dame (cf. PWA #42) pour illustrer la vitesse à laquelle notre vie peut changer quand on décide de s’ouvrir à la nouveauté. À condition bien sûr de confronter ses préjugés et de rester maître de soi face à un curieux fléau : le FOMO.
→ À lire : The OutKast Edge (Dan Runcie)
S’épanouir dans la recherche
Par “recherche”, j’entends davantage le travail de l’archéologue plutôt que l’instantanéité d’une requête par mots-clés. De nombreux invités de la newsletter en ont fait leur signature, gage de productions de grande qualité.
C’est le cas de Rebecca Amsellem (cf. PWA #41), dont la newsletter Les Glorieuses a commencé comme une façon de documenter sa propre éducation féministe. Plus de 180 000 abonné(e)s plus tard, son média est devenu une véritable passerelle qui nous permet de creuser à notre tour les références de plus en plus nombreuses sur le sujet.
Faire un travail de recherche, c’est aussi aller à la rencontre de l’autre — notamment lorsque sa vie ne ressemble pas à la nôtre. C’est le quotidien de la dernière invitée de l’année, Gladys Diandoki (cf. PWA #49), dont le métier de Content Designer se trouve à l’intersection de l’écriture et de l’inclusion. La conclusion de notre interview soulignait l’une des vertus les plus importantes de la recherche, à savoir le développement d’une ressource hélas sous-estimée : l’empathie.
Enfin, comment parler recherche sans mentionner l’importance du terrain ? Le biographe Nicolas Rogès (cf. PWA #46) est revenu avec moi sur son voyage à Compton sur les traces du rappeur américain Kendrick Lamar. Et m’a détaillé une méthodologie qui force l’admiration, entre élimination de ses propres biais et respect de son sujet.
Retrouver le goût des choses compliquées
Je suis fasciné par les créateurs qui nous font nous intéresser à des sujets vers lesquels on a du mal à aller. Et ce d’autant plus quand le cœur du propos est considéré comme tabou ou difficile d’accès.
Marie Robert, créatrice du média Philosophy is Sexy (cf. PWA #43), en est l’une des meilleures illustrations. Car se mettant dans une position de “traductrice” d’une discipline élitiste, celle-ci a remis Platon au goût du jour et converti de nouveaux adeptes par centaines de milliers.
Le sujet de l’argent quant à lui est encore aujourd’hui synonyme de grand tabou. Et quand une entreprise décide de traiter le sujet, difficile de lui accorder sa confiance sans arrière-pensées. Saskia Fiszel (cf. PWA #31) nous en a offert le meilleur contre-exemple avec sa newsletter Spoune, pour moi un vrai cas d’école de média lancé par une start-up en début d’activité.
D’autres créateurs réussissent le tour de force de réussir de parler de tous les sujets avec justesse. C’est le cas de Gregory Pouy (cf. PWA #33), le créateur du podcast Vlan! dont je suis un inconditionnel depuis un certain temps. Celui-ci m’expliquait son approche qui consiste à “ramener de la complexité dans un monde qui en a besoin”. Car si la recherche d’accessibilité est devenue un enjeu central dans notre société, son principal écueil reste cette tendance regrettable de vouloir tout simplifier.
→ À lire : On Enchantment in Modernity (@qorprate)
Écouter ses garde-fous
En 2021, la thématique de la satire s’est invitée par deux fois dans la newsletter — pour mon plus grand plaisir. Recevoir des fondateurs de médias dont le cœur de métier est la critique aura été pour moi un exercice propice à la remise en question. De plus, leurs approches complémentaires nous apportent des leçons bienvenues et nécessaires. Jugez plutôt.
Lauren Boudard et Dan Geiselhart, du duo Tech Trash (cf. PWA #36), nous invitent à lire entre les lignes de tous ces messages dépourvus de fond issus de nombreux dirigeants de start-ups et grands groupes confondus. Cette année, le collectif aura mis son approche “poil à gratter” au service d’une nouvelle cause avec leur newsletter Climax : pointer du doigt l’inaction des entreprises face au changement climatique.
Sébastien Liébus, fondateur du Gorafi (cf. PWA #40), m’a quant à lui fait la démonstration de la “gorafisation du monde”. Depuis notre interview, je redouble de vigilance face à la façon dont de nombreux titres de presse jouent aussi bien avec les mots qu’avec nos émotions. Que ce soit dans la forme ou sur le fond, j’accorde plus d’attention que jamais à l’analyse des messages, signaux et informations que je reçois au quotidien.
Se méfier de sa propre passivité
Certaines discussions ont tantôt le don de réussir à nous sortir de notre bulle, tantôt celui de nous faire garder les pieds sur terre. Trouver les invités qui sauront provoquer mes idées — et si possible les vôtres — est sans aucun doute mon défi préféré.
Vincent Cocquebert (cf. PWA #44) m’a fait remettre en perspective les limites de mon propre cocon. Une autre notion phare qui m’a fait beaucoup réfléchir suite à notre conversation est cette idée de la domestication croissante de nos vies, en particulier dans un contexte qui nous expose toujours plus à l’isolement et ses pathologies.
Face à cette menace, mon conseil préféré est signé France Ortelli (cf. PWA #39) : multiplier les sources de joie pour soigner nos “cœurs sauvages”. Publier une édition sur le thème de l’amour moderne était d’ailleurs un souhait de longue date que j’ai eu le plaisir d’exaucer cette année.
Enfin, Léa Moukanas (cf. PWA #35) aura été la première invitée dont le cœur de l’interview était… la politique. Son implication dans le Collège Citoyen de France réunit d’ailleurs tous les ingrédients pour nous réconcilier — au moins un petit peu — avec cette discipline que nous adorons détester. Et vient nous rappeler l’urgence d’arrêter de limiter la politique à un hémicycle ou de l’opposer au reste de la société.
→ À lire : Squad Wealth (Other Internet)
Jouer avec les frontières de la littérature
En tant que plume, ne jamais avoir publié de livre m’a parfois donné l’impression d’être un moldu. Mais je ne désespère pas à l’idée de me lancer “un jour” dans l’écriture d’un roman. Surtout qu’en 2021, je me suis senti inspiré par de nouvelles approches de la littérature issues de certaines de mes interviews préférées de l’année.
Mona Messine (cf. PWA #33) m’a ouvert les yeux sur le monde des revues littéraires grâce à sa publication Débuts réservée aux auteurs qui n’ont jamais été publiés. J’ai été particulièrement inspiré par son approche dite “de jardinière” pour comprendre les nombreux rouages du monde de l’édition.
Annabelle Perrin (cf. PWA #47) m’a quant à elle appris le mot “entrisme”. C’est l’une de ses ambitions derrière son média La Disparition, qui invite à ouvrir les portes de l’engagement politique par un format épistolaire entre journalisme et littérature.
Pour finir, le trio Aliens et les Garçons (cf. PWA #32) est sans aucun doute ma découverte de l’année. J’ai probablement pu ressentir une pointe de jalousie face à l’originalité de leurs créations, tant au niveau de l’inventivité de leurs chroniques de science-fiction que du format unique de leur podcast — entre café littéraire et apéro entre amis qui dérape. Mention spéciale pour leur enthousiasme contagieux autour d’un exercice littéraire aussi exigent que sous-estimé : le jeu de rôles.
DERNIÈRE CHOSE…
Et voilà pour Plumes With Attitude en 2021 !
Il me tarde déjà de commencer une nouvelle année et de savoir qui seront mes prochains invités. Si vous avez des envies ou recos de plumes à rencontrer, n’hésitez pas à me les partager. De mon côté, j’ai déjà mes petites idées. 😇
Il ne me reste plus qu’à vous dire un grand MERCI pour avoir choisi d’embarquer avec moi dans cette belle aventure aux confins de l’écriture. Je vous souhaite de finir l’année en beauté, de prendre soin de vous, et surtout…
May the words be with you,
Benjamin
P.S : Retrouvez toutes les newsletters précédentes dans l’archive de Plumes With Attitude. Et si vous avez aimé cette édition, n’hésitez pas à la partager autour de vous, ainsi qu’à vous abonner pour recevoir les suivantes par e-mail.