En choisissant de devenir freelance, j’ai appris à développer une certaine vision de l’indépendance. Ce qui ne m’empêche pas d’accorder de plus en plus d’attention à une autre valeur : l’interdépendance. Et dans un contexte marqué par le repli sur soi et certaines divisions de plus en plus marquées, il me semble plus important que jamais de ne pas les dissocier. Et pour l’intérêt de tous, de réapprendre à faire société.
Ces idées ne me viennent pas seulement de mon activité, mais aussi des discussions avec mes invités. Je me dois notamment de citer le podcast Vlan! de Gregory Pouy [cf. PWA #34] qui, depuis notre interview, s’est immiscé dans mes obsessions du moment. Alors forcément, j’ai voulu continuer à creuser cette thématique. C’est pourquoi cette nouvelle mouture fait la part belle à… la politique.
En fin de newsletter, je vous parlerai d’un autre projet d’écriture longtemps resté secret. Et parce que le mystère est une autre valeur qui me tient à cœur, alors permettez-moi de vous annoncer du changement prévu pour la prochaine édition.
En vous souhaitant une bonne lecture,
Benjamin
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🎙 INTERVIEW… Léa Moukanas
À chaque newsletter, je vous propose de découvrir le portrait et les idées d’une véritable plume “With Attitude”. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Léa Moukanas, une plume aux nombreux engagements du haut de ses 21 ans. Dans son adolescence, elle a notamment publié deux livres et fondé Aïda, une association de soutien aux jeunes touchés par le cancer. Plus récemment, elle a rejoint l’équipe fondatrice du collectif Collège Citoyen de France aux côtés de personnalités comme les entrepreneurs Alice Zagury et Marc Berrebi, l’artiste JR ou encore une autre plume invitée dans la newsletter, Tania de Montaigne.
Salut Léa et merci d’avoir accepté l’invitation ! Je dois t’avouer que la première chose qui m'a marqué en préparant cette interview, c'est de voir que tu t’es mise très tôt à l’écriture. À quatorze ans, tu publiais une première nouvelle, La machine à remonter le temps, puis une seconde l’année suivante, Ulysse chez les Phéniciens, dont un extrait a même été diffusé dans un quotidien franco-libanais. Alors pour commencer, j’aimerais savoir d’où te vient ce goût pour l’écriture, et aussi comment tu en es venue à publier deux fictions à même pas quinze ans ?
Mon premier contact avec l’écriture a commencé par un 8/20 à un devoir d’expression écrite en primaire. C’était la pire note de la classe mais j’étais surtout déçue parce que j’avais adoré l’exercice. Et comme j’ai senti que ça me plaisait mais que je n’étais pas douée, alors j’ai décidé de persévérer. Et à force d’écrire, je me suis rendue compte que ça m’apaisait. Avec ma famille, on a fui la guerre au Liban quand j’avais sept ans. Et à ce niveau, l’écriture a eu sur moi un rôle presque thérapeutique.
Dans ma première nouvelle, il était question d’un jeune homme qui perd sa meilleure amie. Mais si j’aimais écrire, j’ai longtemps eu peur d’être lue — sans doute mon petit traumatisme de primaire (rires). Quant aux publications, c’est grâce à mon prof d’anglais au collège qui avait beaucoup aimé mes textes et qui a fait les démarches pour que mes nouvelles soient éditées. En résumé, j’ai suivi mes passions en ignorant ce que les gens en disaient. Sauf qu’il y a aussi eu des personnes très bienveillantes sur mon chemin qui ont rendu certaines choses possibles.
Entre ces deux livres, il y a surtout un événement tragique, le décès de ta grand-mère d’une leucémie, que tu cites souvent comme un moment fondateur dans ta vie, et qui est notamment à l’origine d’Aïda, l’association que tu as créée et qui porte son nom. Ce que je me demandais, c’est si c’était une voie dans laquelle tu avais déjà l’intention de t’engager avant cet événement ?
Effectivement, je pensais déjà monter un projet associatif avec des copines. On avait même commencé à regarder les démarches administratives, mais je ne nous trouvais pas suffisamment au clair dans notre approche. J’avais cette impression que ce qu’on voulait créer existait déjà. Au début, on a voulu monter une association pour venir en aide aux jeunes restés au Liban, puis pour les réfugiés syriens au Liban. On avait plein d’idées et une vraie volonté de créer, mais je ne nous sentais pas “justes” dans notre démarche.
J’ai toujours considéré qu’à mon échelle, être sur la bonne voie c’est ressentir une espèce de chaleur dans le bas du ventre qui te fait avancer. Seulement, là je ne l’avais pas. Puis, ma grand-mère est tombée malade et je suis repartie au Liban pour aller la voir à l’hôpital. Et c’est une fois sur place que je me suis rendue compte qu'il y avait des jeunes de mon âge qui avaient la même maladie qu'elle et qu’il n’y avait que des adultes pour les entourer. Le déclic est arrivé à ce moment, avec cette fameuse chaleur en bas du ventre qui m’a guidée vers la création d’Aïda.
Entre ton projet associatif et tes publications de nouvelles, j’ai l’impression que tu as eu très tôt dans ta vie deux piliers de ton identité déjà bien prononcés. En quoi se sont-ils nourris l’un l’autre dans les années qui ont suivi ?
Quand tu montes un projet à quatorze ans et que celui-ci commence à prendre une certaine ampleur, tu ne penses qu’à ça et ne te construis pas toi. Je ne pouvais pas m'empêcher de me dire que j’étais “appelée” par ce projet. C’est comme si ma vie et mon propre développement devaient être mis en parenthèses voire s'arrêter totalement. Mon cerveau, mes mains et ma volonté étaient entièrement concentrés sur cette association que j’étais en train de monter. L'écriture, c'est ce qui m’a permis de ne pas m’oublier. C’est ce qui m’a fait me dire : est-ce que je ne serais pas en train de passer à côté de plein de choses ? Et puis, se développer soi-même est bien évidemment indispensable pour assurer la pérennité de son projet.
C’est d’autant plus vrai à l’adolescence, qui est une période à la fois difficile et charnière dans sa construction identitaire. D’ailleurs, ça a dû être assez déroutant de voir Aïda rencontrer le succès très rapidement. Ça t’a amené à remporter des prix, à être invitée sur des plateaux TV, et donc à gagner en notoriété. Ce que je me demandais, c’est comment as-tu réussi à garder les pieds sur terre en tant qu’adolescente face au succès croissant de ton projet ?
Je pense qu'il y a plusieurs réponses à ça. Déjà, il faut accepter qu’on va se planter à certains moments, et donc être bienveillant avec soi-même quand ça arrive. Il y a aussi des personnes que tu aimes qui savent te remettre dans le droit chemin. Ça a notamment été le cas avec ma famille, qui est une sorte de “clan” libanais avec beaucoup de femmes. Et comme chacune de mes décisions est commentée à l’échelle globale de la famille, alors ça m’a permis de ne pas trop dériver (rires). Ça a été un vrai point de soutien. Enfin, il y a la cause.
Il y a quelques années, j’étais en consultation avec ma sophrologue et elle m’a demandé de dessiner mon engagement. Et je me suis représentée à genoux. Parce que quand tu vois ce que tu vois à l’hôpital et que tu rencontres les jeunes malades, tu te dois de faire preuve d’humilité face à cette cause qui est au-dessus de toi. Ce que j’ai ressenti, c’est un immense respect et du soutien à toutes les familles et à tous ces jeunes. La cause te fait énormément relativiser vis-à-vis de tout ce qui t’arrive à côté, comme recevoir un prix ou une médaille. Reste que ça donne aussi de la visibilité au projet, donc je considère ça comme un élément au service de la cause.
Oui clairement. Ce n’est pas pour ça que tu t’es lancée, mais il faut aussi voir les bons côtés. Et récemment, tu t’es justement engagée sur un autre terrain dont j’ai envie de parler. Il s’agit de la création du Collège Citoyen de France, que tu as co-fondé avec neuf autres personnalités de tous horizons — dont Tania de Montaigne qui a été invitée dans la newsletter l’an dernier. Peux-tu me dire comment tu as rejoint le projet ?
Tout d’abord, je vais expliquer ce qu’est le Collège Citoyen de France pour celles et ceux qui ne connaissent pas. C'est une école qui a l'objectif de former les acteurs de la société civile de demain et de leur donner les clés pour prendre des responsabilités et porter leur engagement à une autre échelle. Maintenant, laisse-moi te raconter une anecdote personnelle. Pendant le premier confinement, j’ai été contactée par un média qui m’a demandé de faire une vidéo dans laquelle je devais dire ce que serait la première chose que je ferais dans “le monde d’après”. Et honnêtement, je n’en avais aucune idée — au-delà de simplement vouloir sortir de chez moi (rires). L’impression que j’avais, c’est que tout le monde en parlait et qu’il y avait un milliard d’idées sur le sujet. Ce que je me disais, c’est que le monde d’après aurait besoin d’un cadre structurant pour éviter de trop ressembler au monde d’avant.
Et au moment du déconfinement, j’ai rencontré Julien Neutres. C’est lui qui m’a parlé du Collège Citoyen de France, qui comptait déjà des personnalités comme Edouard Bergeon dans l’équipe fondatrice. J’ai donc rejoint le projet, que je trouvais d’une justesse rare dans sa mission. Je suis intimement convaincue que l'éducation est la clé de beaucoup de choses. Si on compare le monde d’après à un arbre (c’est d’ailleurs notre logo), alors il faut commencer par les graines, puis les racines pour espérer le faire grandir. Donc ça, c'est la première chose. La deuxième, c'est que j'ai eu de nombreuses discussions avec des potes de ma génération pendant le confinement. Beaucoup disaient qu’ils avaient le sentiment que ce monde d’après allait se construire sans eux. D’autres jeunes qui ne viennent pas de milieux privilégiés m’ont dit qu’ils se sentaient impuissants face à tout ce qui arrivait. On a mené une étude avec Aïda pendant le confinement auprès de 2000 jeunes. Parmi eux, 77% ont déclaré se sentir impuissants face à ce monde d’après qui arrive. Et je trouve ça dramatique dans le sens où c’est autour de dix-huit ans qu’on est censés pouvoir se projeter dans l’avenir.
Donc c’est aussi ça qui m’a poussée à m’engager. Ce qui est marrant, c’est que je ne connaissais personne et qu’on vient tous de milieux extrêmement différents. Julien est haut-fonctionnaire, il y a des artistes, des entrepreneurs, des représentants du milieu associatif, etc. Le projet a une dimension politique mais on s’est interdit de se demander les couleurs politiques de chacun. Forcément, on n’est pas toujours d'accord sur tout mais on fonctionne comme une petite démocratie. Et au-delà de sa justesse, j’adore le projet pour la bienveillance qui y règne. C’est une valeur très importante pour moi. Je suis convaincue qu’elle est la clé de beaucoup de choses dans la vie et j’ai rencontré suffisamment de personnes qui ne l’étaient pas pour savoir la reconnaître quand elle est là. On vient de finir l’appel à candidatures pour la première promotion et on a reçu plusieurs centaines de dossiers. Donc je suis très contente de ces premiers résultats et j’ai hâte de voir la suite.
Hâte de voir ça aussi ! J’avais d’ailleurs mentionné le projet dans la dernière édition de la newsletter. Et en y regardant de plus près, j’ai vu sur votre site que vous vous décrivez comme “des facilitateurs, des passeurs d'expérience pour celles et ceux qui ne devraient pas se lancer dans la vie publique alors qu'ils ont beaucoup à lui apporter”. Et effectivement, il y a beaucoup d’obstacles sur la route de celles et ceux qui ont déjà un projet et qui veulent s’engager dans la vie publique — notamment quand ils ne viennent pas d’un milieu qui les y prédestinait. Mais il y a aussi pour moi une autre lecture du terrain et de ce sentiment d’impuissance que tu as observé. Car j’ai l’impression que ce problème peut également venir du fait que le climat politique actuel n’inspire pas et peut même parfois décourager l’engagement citoyen. Quel est ton point de vue sur la question ?
Un des jeunes que j’ai interrogés m'a dit, à quoi bon s’engager dans la construction du monde d’après vu le contexte actuel ? Sauf que pour moi, on ne devrait pas répondre à un sentiment de désillusion par de l'inaction. On est tout à fait libres de regarder le monde d’après se construire sans nous, mais on peut aussi choisir de se retrousser les manches. Comme le dit Pierre Rabhi, chacun peut apporter à sa façon une petite pierre à l'édifice. Et je préfère voir les choses de cette façon. On ne va pas inventer un monde meilleur du jour au lendemain, mais on a besoin de la contribution de chacun.
Après, il y a aussi le contexte sanitaire et social actuel qui fait que beaucoup de gens ne se sentent pas bien. Donc il ne s’agit pas pour ces personnes de lancer un projet quand, à l’échelle de leur vie, le moment ne s’y prête pas. Et je trouve ça important de dire que ce n’est vraiment pas un problème en soi. Il faut accepter de ne pas avoir l’envie ou la force de se lancer. C’est tout à fait compréhensible d’avoir besoin de temps pour prendre soin de soi en ce moment, notamment quand on se sent trop fatigué physiquement ou mentalement. Donc d’une certaine façon, oui à l’inaction quand elle est nécessaire, mais pas en réponse à une forme de désillusion.
Je te rejoins entièrement sur ce point : la santé passe bien évidemment avant l’action de s’engager ou de se lancer dans un projet. Et comme le mien est une newsletter sur l’écriture, alors je suis très attentif au choix des mots utilisés dans les sujets abordés. Avec le Collège Citoyen de France, vous parlez de “préparer les responsables publics de demain” et dites que “la politique peut encore changer le monde”. Et à mes yeux, c’est un pari d’autant plus audacieux qu’il existe une vraie défiance aujourd’hui vis-à-vis de la politique en France. Vous auriez d’ailleurs pu choisir de parler “impact” ou “entrepreneuriat social”, dans la mesure où ce sont des notions qui font davantage rêver les nouvelles générations. D’où ma question : n’avez-vous pas eu peur que l’emploi du mot “politique” ait un effet repoussoir sur le projet ou n’attire pas les profils que vous espériez ?
Il y a quelques années, j’ai rencontré un responsable politique qui m’a demandé ce que je voulais faire de ma vie — et notamment si la politique m’intéressait. Je lui avais dit que non, ce à quoi il a répondu : “N’en fais pas, tu es quelqu’un de bien”. Et je m’étais dit que pour qu’une personnalité assez haut placée me dise ça, c’est qu’il y avait vraiment un problème avec la façon dont fonctionne la politique en France. Mais au fil des années, je me suis rendue compte que développer un projet associatif implique de travailler avec des entreprises, des acteurs de terrain, mais aussi la sphère publique et notamment politique. Et souvent, ce sont ces personnes qui vont t’aider à débloquer certaines situations, à créer des synergies décisives, et donc à démultiplier ton impact. Aujourd’hui, on ne peut pas s'engager pour le bien commun sans toucher à la sphère politique au sens noble du terme.
Mon deuxième point, c’est que je suis convaincue qu’il y a énormément d’acteurs de la société civile qu’on aimerait voir prendre plus de responsabilités à l’échelle du pays. Notre démarche avec le Collège Citoyen de France, c’est de donner les moyens et les outils à ces personnes pour que celles-ci parviennent à faire évoluer les choses dans le bon sens, à plus grande échelle. Enfin, mon troisième point c’est que de nombreux acteurs du bien commun se revendiquent du terrain et non de la politique — qu’ils décrivent souvent comme “sale”. Mais pour moi, je pense qu’il faut arrêter de les opposer. Au contraire, la politique c’est les banlieues, c’est le milieu rural, c’est l’engagement citoyen. Bref, la politique c’est du terrain. Plus on va séparer les deux, plus on va créer deux mondes parallèles, avec d’un côté ceux qui font, de l’autre ceux qui pensent, sans qu’ils ne convergent à aucun moment. Et je trouve cette conception des choses très dangereuse pour l’avenir de notre démocratie.
Le hasard du calendrier fait qu’Emmanuel Macron vient d’annoncer la suppression de l’ENA il y a quelques semaines, ce qui est un acte assez symbolique sur le volet politique. Comment as-tu réagi à cette décision ?
Je me suis dit que l'annonce d'Emmanuel Macron — au-delà de tout ce que l'on peut lui prêter — vient légitimer le projet qu'on est en train de monter. Il y a une prise de conscience au plus haut niveau qu’il faut arrêter de décloisonner le terrain de la sphère décisionnelle. La fermeture d’institutions comme l’ENA ne concerne pas seulement la France. D'autres pays sont dans ce même genre de réflexions.
Pour moi, le message n’est pas de dire qu’on ne veut plus des élites. Ce type de propos est d’ailleurs plutôt mis en avant dans les discours des extrêmes. Pour moi, l’idée c'est de se demander comment on va créer un pont entre la réalité du terrain et les décisions politiques. C’est de savoir comment les faire converger, comment faire en sorte que la société civile rencontre l’action publique.
Il y a une initiative au Brésil qui s’appelle RenovaBR et que je t'invite à regarder si tu ne connais pas. Ça a été une de nos inspirations et certains membres du collectif ont eu l’opportunité d’échanger avec eux. Et leurs résultats sont très prometteurs dans un pays où un extrême est au pouvoir. Dis-toi qu’en quatre ans, ils ont formé plus de 1000 citoyens dont 170 sont devenus des élus. Notre projet s’inscrit donc dans un mouvement qui dépasse la France et qui a pour mission de reconnecter deux mondes qui ont trop longtemps été cloisonnés à tort.
Oui, je suis convaincu que c’est une des choses à faire pour recréer de l’engagement. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de recevoir dans la newsletter des invités dont la politique n’est pas le domaine de prédilection mais qui se sont engagés sur ce terrain. Je pense bien sûr à Tania de Montaigne, qui est à tes côtés avec le Collège Citoyen de France, mais aussi à Hind Elidrissi [cf. PWA #10] qui, grâce à la création d’un nouveau syndicat en parallèle de sa start-up, a réussi à donner plus de poids aux travailleurs indépendants dans les politiques économiques du gouvernement. Inversement, il y a aussi des entrepreneurs américains qui ont déclaré en public que les discussions politiques n’avaient pas leur place entre les murs de l’entreprise. Je pense à Brian Armstrong, le CEO de Coinbase, dont l’annonce avait fait scandale l’an dernier en plein Black Lives Matter, mais aussi aux fondateurs de Basecamp il y a quelques jours. Et c’est vraiment sujet à débat dans un contexte de polarisation accrue des discours et d’isolement forcé des individus. Que t’inspirent ces décisions ?
Déjà, je pense qu’il faut tenir compte de la terminologie. Pour moi, la “politique” c’est tout ce qui touche à la sphère publique. Et comme les Etats-Unis n’ont pas du tout la même vision du service public que la France, alors je pense que leur définition doit être sensiblement différente. Ça pose également la question de ce qui devrait prévaloir entre les libertés fondamentales (ici la liberté d’expression des individus) et le règlement interne d’une entreprise.
Personnellement, je trouve que les managers ont tort d’interdire formellement ce genre de choses, dans la mesure où ça crée une sorte de rigidité dans les interactions. Je pense au contraire que les entreprises devraient plutôt créer des espaces dédiés à ce genre de discussions pour les personnes qui en ressentent le besoin. Et c’est d’autant plus vrai dans un contexte où on est tous en télétravail.
Que les entreprises le veuillent ou non, ces échanges font partie de la vie de bureau, notamment pendant les pauses. Le vrai enjeu, c’est de réussir à recréer une place pour ces conversations naturelles entre individus, avec bien sûr cette idée qu’elles ne viennent pas empiéter sur les sujets qui concernent l'entreprise.
Je n’avais pas vu la chose sous cet angle, mais je suis d’accord que les entreprises devraient plutôt réfléchir à la façon d’inclure ces conversations intelligemment plutôt que de les exclure totalement.
Je pense que la question dépasse même le seul cadre politique. L’enjeu du télétravail généralisé devrait inviter les entreprises à créer différents environnements pour leurs employés. Par exemple, je suis en ce moment des cours à distance à la Kennedy School de Harvard. Et ça peut sembler surprenant mais c’est l’école qui organise des événements virtuels pendant lesquels les élèves sont invités à discuter de tout sauf des cours. C’est une façon de retrouver un semblant de vie étudiante et je trouve ça chouette de voir que c’est dans les préoccupations de l’école.
Côté entreprises, je pense qu’elles ont tout intérêt à remettre du lien entre leurs collaborateurs, et ce notamment pour leur éviter la surchauffe qui concerne beaucoup de travailleurs isolés en ce moment. Pour ce qui est de la politique, je préconiserais de ne jamais faire ça par écrit afin d’éviter tout débordement. Je réserverais ce genre de sujets pour des discussions à l’oral, ce qui me semble la façon la plus saine de les amener.
On a beau être dans une newsletter sur l'écriture, je reconnais que c’est un mode d’expression qui cristallise beaucoup de tensions, notamment en raison du contexte, de l’histoire et des interprétations de chacun. Pour finir sur ce sujet, je voudrais conclure cette interview en revenant à notre point de départ, à savoir ton rapport à la littérature. Ce que je me demandais, c’est si parmi tous tes engagements du moment, tu avais gardé de la place pour des projets d’écriture ?
Figure-toi qu’il y a quelque chose de prévu pour début 2022. Mais je n’ai hélas pas le droit d’en dire plus (rires).
C’est dommage, je n’aurais pas été contre une petite exclu (rires). En tout cas, je n’ai pas vu le temps passer. Alors je te dois un grand merci pour cette interview et je te souhaite une bonne continuation dans tous ces beaux projets. À bientôt Léa !
4 projets citoyens recommandés par Léa :
Association de Jeunes pour le Divertissement à Bagnolet (AJDB) : “Une initiative créée par Moussa Sylla qui œuvre pour le développement local à Bagnolet.”
Le French Débat : “Une plateforme qui vulgarise la politique et la rend accessible auprès des jeunes.”
CovidTracker : “Un projet créé par un super groupe et qui remet les données et le fact-checking au cœur de nos systèmes.”
Dessine-Moi la High-Tech : “Une association qui aide à la fois les jeunes à l’hôpital et la recherche grâce au pouvoir de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle.”
🔮 KNOWLEDGE IS POWER… Maintenant vous savez !
Coïncidence ou non, l’avenir de la newsletter est (souvent) dans cette section.
Horde-moi : Je n’ai encore jamais lu Damasio (oui je sais… 🍅 ). Mais depuis que j’ai regardé son incroyable interview par Clément Viktorovitch, je n’ai plus qu’une hâte : finir mon livre et me jeter à corps perdu dans sa littérature fantastique.
En Écriture : C’est le nom de la nouvelle série de podcasts payants lancée par Louie Media. Au programme : une masterclass d’écriture créative avec des auteurs, scénaristes et journalistes renommés. Un mouvement très opportun qui fait suite à l’annonce du lancement prochain des abonnements Apple Podcasts.
La relève : Ce petit tour d’horizon du renouveau de l’édition française m’a donné plein d’idées pour les prochaines interviews. Et ce n’est pas comme si les derniers invités n’avaient jamais été cités dans cette section avant de passer de l’autre côté du micro…
Other Internet : Ceci est le nom d’une squad ! Et ce n’est pas le seul exemple de groupes obscurs d’individus brillants qui se réunissent pour penser, écrire et faire de la recherche ensemble. Je vous invite à lire leur excellente analyse sur ces nouveaux collectifs virtuels qui rebattent les cartes du travail de demain.
🎣 PETITES ANNONCES… Missions freelances & CDI
Pour relayer une mission freelance ou une offre en CDI : benjamin.perrin.pro@gmail.com
Alan cherche une plume aux affinités Product Marketing.
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🗣 MEANWHILE… L’actu de la communauté
Et vous, ils ressemblent à quoi vos projets du moment ? Écrivez-moi pour m’en parler et apparaître dans la prochaine édition : benjamin.perrin.pro@gmail.com
Samuel vient de mettre en ligne son documentaire sur le futur du travail.
Sarah s’est faite interviewer sur la place de la photographie dans sa vie.
Yoann va sortir un livre sur les finances personnelles chez Eyrolles.
Alexandra a interviewé la réalisatrice Ketty Rios Palma.
Valentin lance un nouveau podcast Sauce Writing.
Judith a écrit un livre sur les nombreux tabous du début de grossesse.
Jean m’a invité à rejoindre un club de mentorat pour indépendants.
DERNIÈRE CHOSE…
Et si je vous disais que je vous avais caché ni plus ni moins que quinze interviews de personnalités non-publiés dans la newsletter au cours de ces derniers mois ? 😳
Et pas des moindres qui plus est : Kat Borlongan, directrice de La French Tech, Eva Sadoun, co-fondatrice et CEO de LITA.co, Thibaud Hug de Larauze, co-fondateur et CEO de Back Market, Yann Manzi, fondateur dirigeant de l’association Utopia 56, et j’en passe…
L’explication à ce petit secret, c’est que mon travail de fourmi (à plumes) m’a donné l’opportunité de travailler sur… un livre ! Ça a été un plaisir et un honneur d’avoir été contacté par Adrien Chaltiel pour lui prêter main forte sur le volet programmation et réalisation d’interviews pour son premier ouvrage sur le financement de l’entrepreneuriat.
Alors si vous êtes vous-mêmes entrepreneurs, indépendants, en passe de le devenir, simplement curieux au sujet de ces interviews, ou que vous avez des amis à qui vous souhaiteriez conseiller ce livre voire l’offrir, voici le lien pour le précommander.
En ce qui concerne Plumes With Attitude, on se retrouve très vite avec une édition spéciale prévue pour début mai. Eh oui, je n’en ai pas fini avec les cachoteries. 🙊
May the words be with you,
Benjamin
P.S : Retrouvez toutes les newsletters précédentes dans l’archive de Plumes With Attitude. Et si vous avez aimé cette édition, n’hésitez pas à la partager autour de vous, ainsi qu’à vous abonner pour recevoir les suivantes par e-mail.