Ma plume aurait-elle du plomb dans lâaile ? Car le mois dâoctobre marque un nouveau record : celui de la plus grosse attente entre deux Ă©ditions. Qui plus est, je vous avais laissĂ© avec un petit suspense Ă la fin de la derniĂšre newsletter. Je vous avais annoncĂ© une chouette transition avec ma derniĂšre interview en mode cocon.
Câest justement ce qui vous attend dans cette Ă©dition. Quant Ă moi, je suis ravi dâajouter une nouvelle invitĂ©e prestigieuse au casting de la newsletter. Et ce nâest dâailleurs pas la premiĂšre fois quâune personnalitĂ© dont je relaye abondamment les Ă©crits se retrouve dans le fauteuil de lâinterviewĂ©e. Pourvu que ça dure !
Lâattente de la prochaine Ă©dition sera beaucoup moins longue puisque jâai trĂšs exactement quatre jours pour la publier. Eh oui, un record peut en cacher un autre.
Excellente lecture Ă tous,
Benjamin
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đ INTERVIEWâŠÂ Fadeke Adegbuyi (Cybernaut)
Ă chaque newsletter, je vous propose de dĂ©couvrir le portrait et les idĂ©es dâune vĂ©ritable plume âWith Attitudeâ. Aujourdâhui, jâai le plaisir et lâhonneur de recevoir Fadeke Adegbuyi, crĂ©atrice de la newsletter Cybernaut (dont je parle souvent ici) et membre du supergroupe dâĂ©criture Every. Jâavais plein de questions pour elle autour de son sujet de prĂ©dilection : la culture Internet et ses nombreuses ramifications. Et je nâai pas Ă©tĂ© déçu, car nous sommes partis encore plus loin que prĂ©vu !
Hello Fadeke, merci beaucoup d'avoir acceptĂ© mon invitation ! En tant que fan de Cybernaut, câest Ă la fois un plaisir et un honneur de te recevoir aujourdâhui. En prĂ©parant cette interview, jâai Ă©galement appris que tu Ă©tais Ă lâorigine du fantastique guide Twitter par Holloway que j'ai beaucoup recommandĂ© autour de moi et dans la newsletter. CâĂ©tait avant que tu rejoignes le collectif Every, en parallĂšle de ton job en content marketing chez Doist. Ă lâĂ©poque, tu Ă©crivais plutĂŽt des contenus actionnables que des analyses denses sur la culture Internet. Alors pour commencer, peux-tu me raconter comment tâest venue lâidĂ©e de Cybernaut ?
Mon expĂ©rience passĂ©e chez Doist m'a fait tomber sous le charme du long format. Nos articles faisaient entre 2 500 et 6 000 mots â soit bien au-delĂ des normes du milieu. Ă cĂŽtĂ© de ça, j'ai toujours Ă©tĂ© intĂ©ressĂ©e par l'impact de la technologie sur la sociĂ©tĂ©. D'oĂč l'idĂ©e de Cybernaut : une newsletter dans laquelle je publie des essais long format qui explorent les interactions entre individus et plateformes. Je voulais Ă©crire sur la façon dont on façonne nos outils et vice-versa. Je lis beaucoup sur le sujet et j'ai souvent l'occasion d'observer de telles interactions au sein de communautĂ©s. Mon objectif avec Cybernaut est dâaller plus loin que lâobservation et de passer plus de temps Ă cataloguer et discuter de tout ce qui se rapporte Ă la culture Internet.
Et tu le fais avec brio ! Jâai dĂ©jĂ partagĂ© plusieurs de tes Ă©crits dans la newsletter, dont celui sur LinkedIn qui est probablement lâarticle qui mâa fait le plus rire cette annĂ©e. Avant de creuser ensemble ton sujet de prĂ©dilection, je voulais te demander : câest quoi exactement la "culture Internet" ? Et aussi, est-ce quâelle nous concerne tous aujourdâhui ou seulement une certaine catĂ©gorie de personnes ?
Pour moi, la culture Internet a une multitude de définitions. Elle est souvent associée à la génération Z, mais je trouve que ça va beaucoup plus loin que ça. Il existait auparavant une ligne de démarcation stricte entre la vie réelle et ce qui se passe en ligne. Mais comme tout ce que nous faisons est désormais relié au web, la culture Internet est devenue une culture tout court. On ne peut pas y échapper.
CâĂ©tait dâailleurs une expĂ©rience intĂ©ressante que de voir Facebook, Whatsapp et Instagram inaccessibles au mĂȘme moment [la veille de lâinterview]. Cela vient rĂ©vĂ©ler lâimpact que ces plateformes ont Ă lâĂ©chelle de nos vies. Les rĂ©actions sur Twitter Ă©taient dâailleurs trĂšs Ă©vocatrices de ce qui peut se passer quand les outils dont on dĂ©pend ne sont plus lĂ .
En tout cas, la culture Internet doit ĂȘtre un vivier inĂ©puisable dâarticles pour toi. Jusquâici, tu as abordĂ© des thĂšmes trĂšs variĂ©s comme les relations complexes entre crĂ©ateurs et leurs fans, les finances personnelles sur TikTok ou encore la hustle culture. Comment choisis-tu les sujets sur lesquels tu dĂ©cides dâĂ©crire ? Et comment tây prends-tu pour analyser les cultures en question ?
Je lis Ă©normĂ©ment sur Internet et j'ai une certaine tendance aux rabbit holes. DĂšs que je trouve un phĂ©nomĂšne intĂ©ressant Ă creuser, j'ai envie de creuser pour voir jusqu'oĂč je peux aller. Par exemple, mon article sur le âStudy Webâ est simplement venu du constat que je voyais beaucoup de contenu liĂ© Ă lâentraide entre Ă©tudiants sur TikTok. Jâavais dĂ©jĂ observĂ© ce phĂ©nomĂšne sur YouTube, Reddit ou Discord et jâai voulu Ă©tudier les diffĂ©rences avec ce quâon pouvait trouver sur toutes ces plateformes. Il y a tant de recoins d'Internet oĂč les Ă©tudiants se serrent les coudes. La rĂ©ussite scolaire est un domaine autour duquel il y a Ă©normĂ©ment d'anxiĂ©tĂ©. Et ça nâa fait que sâaccĂ©lĂ©rer avec la pandĂ©mie. Les Ă©tudiants du monde entier ont alors reproduit en ligne lâexpĂ©rience propre aux campus quâils ne pouvaient pas avoir en raison des diffĂ©rents confinements.Â
Observer et creuser est donc une premiĂšre Ă©tape. Mais quand je suis rĂ©ellement dĂ©cidĂ©e Ă Ă©crire sur un sujet, alors je dois aller plus loin. Je contacte donc des personnes qui Ă©voluent dans les univers que jâobserve pour avoir plus d'infos. RĂ©cemment, jâai Ă©crit un article sur les communautĂ©s dâanti-fandoms, câest-Ă -dire ces espaces oĂč les gens Ă©changent en ligne autour de leur haine commune envers un sujet donnĂ©. Au dĂ©but, je trouvais ça juste dingue. Je ne comprenais pas cette culture dans le sens oĂč je ne pouvais pas mâimaginer faire ça moi-mĂȘme.
J'ai donc voulu parler Ă des membres de ces communautĂ©s pour leur demander ce qu'ils trouvaient de si intĂ©ressant lĂ -dedans. J'ai pu discuter avec trois personnes qui vont sur le serveur Discord Gossip Gate pour Ă©changer autour de leur haine vis-Ă -vis dâinfluenceurs en tout genre. J'ai dĂ©couvert que beaucoup dâentre eux sont en rĂ©alitĂ© dâanciens fans dĂ©senchantĂ©s qui voient leur nouveau âhobbyâ comme une forme de divertissement. On ne peut pas se contenter dâobserver de loin pour espĂ©rer comprendre des phĂ©nomĂšnes dont on se sent aussi Ă©loignĂ©s. DâoĂč la nĂ©cessite dâentrer en contact avec les personnes qui Ă©voluent dans les communautĂ©s concernĂ©es.
Ce que jâaime bien dans Cybarnaut, câest justement ta facultĂ© Ă garder une certaine neutralitĂ©, avec une pointe dâhumour mais sans jugements, quel que soit le sujet. Certaines caractĂ©ristiques de ces communautĂ©s peuvent pourtant apparaĂźtre comme superficielles, prĂ©occupantes ou mĂȘme ridicules. MalgrĂ© tout, tu te dĂ©cris dans ta bio Twitter comme quelquâun de âtech optimistâ. Qu'est-ce qui te rend aussi positive malgrĂ© tout ce que tu peux voir passer au cours de tes recherches ?
Pour moi, la technologie a un impact positif sur le monde â ce qui ne veut pas dire qu'elle ne peut pas avoir dâeffets nĂ©fastes. J'ai bon espoir que la prochaine gĂ©nĂ©ration dâentrepreneurs aura une approche plus vertueuse dans la construction dâexpĂ©riences en ligne plus saines pour tous. Je pars du principe que la plupart des gens agissent avec de bonnes intentions. Cela vaut aussi bien pour les entrepreneurs que pour les internautes. Bien sĂ»r, il y aura toujours de mauvais acteurs. Mais je ne pense pas que ce soit la majoritĂ©.
Quand jâai Ă©crit un article sur Clubhouse Ă un moment oĂč beaucoup de gens commençaient Ă en parler comme un Ă©chec, je ne voulais pas me contenter de dĂ©nigrer la plateforme. Car mĂȘme si je pense que certains changements ont rendu l'application moins spontanĂ©e, j'ai vraiment apprĂ©ciĂ© mon temps passĂ© dessus. Rassembler les gens par le prisme de la voix est une expĂ©rience intime et intĂ©ressante. Je ne voulais donc pas Ă©crire un article juste pour enfoncer Clubhouse, mĂȘme s'il aurait probablement suscitĂ© plus d'attention et d'engagement.
Les médias traditionnels sont souvent impitoyables à l'égard des géants de la tech. Aujourd'hui, ça semble juste inconcevable de lire un article positif sur des entreprises comme Facebook ou Google dans la presse. Trouves-tu que toute la couverture négative dont ces plateformes font l'objet est toujours justifiée ?
C'est intĂ©ressant que tu me poses cette question le lendemain de la panne de Facebook. Des gens du monde entier ont perdu leur source principale de contact avec leurs amis et famille Ă cause de l'indisponibilitĂ© de WhatsApp. C'est un moyen de communication central, notamment dans les pays en dĂ©veloppement oĂč il constitue un vĂ©ritable pilier aussi bien pour les individus que pour les petites entreprises.
Ă de nombreux Ă©gards, l'impact de Facebook sur le monde est positif. Bien sĂ»r, cela ne revient pas Ă dire que lâentreprise est exempte de critiques ou dâexamen â loin de lĂ . TrĂšs rĂ©cemment, l'entreprise a fait les gros titres pour ses nĂ©gligences vis-Ă -vis de la toxicitĂ© d'Instagram sur la santĂ© mentale des adolescents. Des faits aussi graves montrent que la presse a un vrai rĂŽle Ă jouer face aux gĂ©ants de la tech.
Toutefois, les acteurs de la presse technologique ne sont pas non-plus exempts de critiques. Il existe de nombreux cas oĂč les mĂ©dias nâont pas su faire preuve du discernement qu'ils pourraient â et devraient â avoir. Il me semble plus important que jamais d'avoir de vrais dĂ©bats qui abordent la nuance et la complexitĂ© plutĂŽt que de se contenter de pointer du doigt.
Je suis tout Ă fait dâaccord avec toi. Et en parlant de ça, quels sont les enjeux dâInternet auxquels tu es particuliĂšrement sensible ?
Je m'intĂ©resse beaucoup Ă la façon dont les algorithmes peuvent influencer le comportement humain. Je mâinterroge souvent sur les limites de leur façon de magnifier et amplifier un contenu viral â parfois pour le meilleur et trĂšs souvent pour le pire. Sur Twitter, je trouve ça difficile de voir le nom de quelqu'un se retrouver dans les tendances pour trois fois rien et dĂ©boucher sur un torrent de haine et de harcĂšlement en ligne. Cela pourrait presque sâapparenter Ă des sanctions dĂ©livrĂ©es par les rĂ©seaux sociaux eux-mĂȘmes tant la pratique est banalisĂ©e aujourdâhui.
Ă cĂŽtĂ© de ça, câest intĂ©ressant de voir comment les gens rĂ©ussissent Ă âhackerâ les algos. Il y a ce mĂšme, Soylent Grin, qui fait rĂ©fĂ©rence Ă cette expression spĂ©cifique oĂč les gens ont la bouche grande ouverte, l'air choquĂ©. Tu as sans doute dĂ©jĂ vu ça sur de nombreuses vignettes (âthumbnailsâ) YouTube â si bien quâon parle souvent de âthumbnail faceâ pour dĂ©crire le phĂ©nomĂšne.
Il y a une excellente vidĂ©o sur la chaĂźne YouTube Veritasium sur l'efficacitĂ© du clickbait par ces vignettes. L'algorithme comprend que câest une caractĂ©ristique qui gĂ©nĂšre plus de clics et va donc pousser les vidĂ©os qui contiennent cet Ă©lĂ©ment. Et une fois que les crĂ©ateurs l'ont compris, tout le monde s'est mis Ă faire le Soylent Grin. Je trouve que c'est un bon exemple pour illustrer la façon dont les algorithmes peuvent influencer nos comportements.Â
Ce phĂ©nomĂšne est encore plus flagrant sur TikTok. Par exemple, les modes vestimentaires se font et se dĂ©font du jour au lendemain grĂące aux vidĂ©os virales sur la plateforme. C'est aussi pour ça que je trouve que les frontiĂšres entre culture Internet et culture tout court nâont jamais Ă©tĂ© aussi poreuses.
Et parmi les diffĂ©rentes cultures Internet que tu as observĂ©es jusqu'ici, laquelle tâa le plus marquĂ©e ?
J'ai beaucoup repensĂ© aux relations parasociales aprĂšs ma sĂ©rie d'articles sur le sujet. Câest un terme qui a Ă©tĂ© inventĂ© en 1956 par les sociologues Donald Horton et Richard Wohl. Ă lâĂ©poque, ils faisaient rĂ©fĂ©rence aux liens que les tĂ©lĂ©spectateurs dĂ©veloppaient avec les acteurs du petit et du grand Ă©cran. Mais depuis lâessor dâinternet et notamment des rĂ©seaux sociaux, les relations parasociales vivent leur grand renouveau.
Aujourd'hui, les crĂ©ateurs en ligne sont trĂšs intimement liĂ©s Ă leur audience. AprĂšs tout, ils leur parlent souvent directement depuis leur camĂ©ra. De plus en plus dâinfluenceurs se mettent Ă diffuser abondamment leur vie privĂ©e. Ils filment leur routine matinale, leurs courses au supermarchĂ©, et mĂȘme leurs week-ends barbecue en famille. On peut donc avoir un vĂ©ritable aperçu de leur vie. Ce niveau d'accĂšs Ă lâintimitĂ© d'une personne est aujourdâhui bien plus profond que les liens du passĂ© entre des acteurs Ă lâĂ©cran â qui ne faisaient que leur travail â et leurs fans. Je pense que c'est une tendance majeure Ă surveiller dans les prochaines annĂ©es.
Mais au fond, est-ce quâon ne ferait pas tous ça Ă notre Ă©chelle sur TikTok, Instagram ou ailleurs ? C'est probablement une question façon lâĆuf et la poule, mais expliques-tu ces relations parasociales par le fait quâon se comporte tous comme des influenceurs sur Internet ou par le fait que les influenceurs cherchent Ă montrer quâils sont comme tout le monde ?
C'est une question intĂ©ressante. On vit Ă une Ă©poque oĂč chacun a sa marque personnelle, que ce soit sur Twitter, LinkedIn, Instagram ou encore TikTok. On peut dâailleurs avoir une image en ligne trĂšs diffĂ©rente de celle quâon a dans notre vie personnelle. D'un cĂŽtĂ©, beaucoup de gens ont tendance Ă optimiser leur prĂ©sence sur Internet pour gagner des vues, des likes et de l'influence. De lâautre, il y a ces crĂ©ateurs qui cultivent une intimitĂ© de plus en plus forte avec leur audience.
Dans le premier article que j'ai Ă©crit sur les relations parasociales, je raconte une anecdote sur les deux crĂ©ateurs de mon podcast prĂ©fĂ©rĂ© : Hila et Ethan Klein. Au cours d'un livestream, ils ont annoncĂ© Ă leur public que Hila Ă©tait enceinte juste aprĂšs l'avoir dĂ©couvert â soit bien avant la pĂ©riode d'attente habituelle de trois mois. Les annonces de ce genre sont extrĂȘmement intimes et de nombreuses personnes ne partageraient mĂȘme pas ces informations aussi tĂŽt avec leurs propres amis et familles. Mais les crĂ©ateurs peuvent se retrouver amenĂ©s Ă parler de certains des aspects les plus intimes de leur vie comme la perte dâun proche, un divorce, une dĂ©pression ou encore une fausse couche. Des liens aussi Ă©troits entre des individus et leur audience constituent le vĂ©ritable moteur des relations parasociales aujourd'hui.
Cette tendance a dâailleurs son contraire avec la montĂ©e de l'anonymat en ligne. On le voit aujourdâhui avec les comptes "anon" [anonymes] sur Twitter ou par le fait que beaucoup dâadolescents ont un "Finsta" [âfake Instagramâ]. Alors selon toi, quelles sont les principales consĂ©quences de cette nouvelle fluiditĂ© des identitĂ©s en ligne ?
C'est un sujet tellement fascinant. Les gens sont complexes et ont certaines facettes de leur identitĂ© qu'ils veulent cacher â ou ne pas associer Ă leur vrai nom identitĂ© professionnelle. Pouvoir masquer son identitĂ© en ligne va donc permettre Ă certaines personnes de se sentir plus Ă l'aise dans l'expression de leur personnalitĂ©.
Il y a aussi toute cette thĂšse dĂ©veloppĂ©e par Balaji Srinivasan autour de la pseudonymous economy. Elle se traduit par le fait de pouvoir aujourdâhui gagner sa vie, crĂ©er une entreprise et construire sa carriĂšre en se dĂ©tachant de sa vĂ©ritable identitĂ© grĂące Ă la crypto. Câest une idĂ©e qui devrait continuer Ă gagner du terrain dans un avenir pas si lointain.
On entend souvent que quand les gens agissent sous couvert dâanonymat, ils vont profiter de la situation pour attaquer dâautres personnes en ligne sans avoir Ă en subir les consĂ©quences. Mais câest vrai que pour d'autres, dissimuler des caractĂ©ristiques personnelles telles que son nom, son visage ou son genre peut ĂȘtre une façon de se protĂ©ger.Â
Oui, utiliser un pseudo va permettre Ă certaines personnes de se sentir libres d'ĂȘtre comme elles sont et de parler franchement sans craindre un retour de bĂąton dans leur vie personnelle ou professionnelle â notamment lorsquâil sâagit de sâexprimer sur des enjeux sociaux auxquels elles sont attachĂ©es. Mais si cela peut se montrer utile pour Ă©viter des discriminations liĂ©es Ă des marqueurs identitaires comme le genre, lâorigine ethnique ou lâorientation sexuelle, ce nâest quâune solution de fortune.
ProtĂ©ger les gens contre les nombreuses discriminations au travail est dâailleurs un argument solide en faveur de la pseudonymous economy. Cela me rappelle un passage de mon interview que j'ai eu avec Jackson Dame quand il me parlait des opportunitĂ©s que reprĂ©sente lâĂ©cosystĂšme crypto pour les personnes historiquement marginalisĂ©es. Les possibilitĂ©s dâanonymat offertes par Web3 peuvent changer la vie dâindividus dĂ©favorisĂ©s Ă plusieurs niveaux â notamment dans un contexte oĂč Internet prend une place de plus en plus importante dans nos vies. Ce que je me disais aussi, câest que les Finstas et comptes âanonâ ont une autre implication : le fait que de plus en plus de personnes ont plusieurs identitĂ©s en ligne.
Exactement. Et ce n'est pas rien. Car avoir plusieurs identitĂ©s signifie aussi avoir plusieurs modes d'expression. Les gens sont dĂ©sormais libres de dĂ©cider quelles extensions de leur personnalitĂ© ils souhaitent cultiver en privĂ©. Tu peux avoir un compte Twitter associĂ© Ă ton vrai nom et sur lequel tu vas rester professionnel et tâadapter Ă ton audience. Et Ă cĂŽtĂ© de ça, tu peux trĂšs bien avoir un compte pseudonyme pour l'activisme, le dĂ©bat politique, ou toutes sortes de choses.
Ceci dit, je trouve ça dommage que certaines personnes ressentent le besoin de âdiviserâ leurs personnalitĂ©s sur Internet. Perso, je prĂ©fĂšre les crĂ©ateurs qui choisissent de se montrer entiers, vulnĂ©rables, et qui ne vont pas sâenfermer dans un certain rĂŽle juste pour plaire Ă leur audience.
Les gens ont souvent du mal Ă gĂ©rer la complexitĂ© en ligne. Câest comme sâil fallait tout catĂ©goriser, tout mettre dans des cases prĂ©dĂ©finies. Aujourdâhui, il est plus difficile que jamais de trouver des discussions nuancĂ©es sur Internet ou dâĂȘtre exposĂ© Ă des personnes capables de soutenir plus dâune opinion Ă la fois en public. Les comptes alternatifs peuvent aider Ă rĂ©soudre ce problĂšme en permettant aux gens d'explorer diffĂ©rentes idĂ©es, mais en les dĂ©tachant de leur identitĂ© principale.Â
Mais peut-on vraiment considĂ©rer que dissimuler des informations sur soi-mĂȘme en devenant anonyme est un moyen viable pour remĂ©dier Ă la polarisation accrue des dĂ©bats ? Pour moi, avoir le contexte est justement essentiel pour comprendre et dĂ©velopper de lâempathie pour une personne et son histoire.
Je ne pense pas que les pseudos ou l'anonymat soient des solutions Ă la polarisation, non. Le dĂ©sir de pseudonymat n'atteindra probablement jamais une masse critique. Beaucoup de gens voudront toujours avoir leur vraie identitĂ© associĂ©e Ă leur activitĂ©. Mais cela n'a pas besoin d'ĂȘtre binaire. Comme on peut dĂ©jĂ lâobserver avec les Finsta aujourdâhui, on devrait continuer Ă voir de nombreux individus garder leur vĂ©ritable identitĂ© en ligne tout en utilisant des pseudos pour des facettes spĂ©cifiques de leur vie.Â
Affaire Ă suivre. En tout cas, c'Ă©tait une conversation encore plus profonde que ce que jâaurais pu imaginer. J'ai passĂ© un moment gĂ©nial Ă t'interviewer, Fadeke. Alors je te dis un grand merci et jâai hĂąte de lire tes prochaines dĂ©couvertes sur Cybernaut.
4 recoins dâInternet recommandĂ©s par Fadeke :
#PrisonTok : âJâadore TikTok tant la plateforme regorge de crĂ©ateurs âimprobablesâ. #PrisonTok (voir aussi #JailTok) nous ouvre les portes du quotidien de personnes quâon nâentend jamais : la population carcĂ©rale. Avoir un Ă©clairage inĂ©dit sur la vie en prison, en dehors de ce quâon peut voir Ă la TV, est Ă mes yeux l'une des sections les plus intĂ©ressantes de TikTok.â
Internet Archive : âUne vaste bibliothĂšque en ligne qui permet de remonter aux prĂ©misses de la culture Internet â Ă condition de savoir oĂč regarder.â
KnowYourMeme : âL'une des encyclopĂ©dies les plus impressionnantes de la culture populaire sur Internet. Si vous avez lâimpression dâĂȘtre passĂ© Ă cĂŽtĂ© de la derniĂšre blague en vogue sur les rĂ©seaux sociaux, il y a de grandes chances que vous retrouviez sa rĂ©fĂ©rence sur ce site.â
NoSurf : L'omniprĂ©sence dâInternet se traduit aussi par le fait que certaines personnes cherchent Ă y Ă©chapper. NoSurf est un mouvement fascinant, avec des communautĂ©s en ligne sur Discord et un Subreddit oĂč des gens cherchent des conseils pour se dĂ©connecter et vivre pleinement.
đźÂ KNOWLEDGE IS POWER⊠Maintenant vous savez !
Un programme studieux entre essais, thĂšses et travaux de groupe.
Squad Wealth : Jâai redĂ©couvert ce terme issu de lâarticle Ă©ponyme du collectif Other Internet via une interview gĂ©niale dans la newsletter Bankless. Si le sujet des finances personnelles vous semble avant-gardiste, attendez de dĂ©couvrir sa version multijoueur.
Colosse aux pieds dâargile : La recherche sur Google nâest plus de notre cĂŽtĂ© depuis longtemps et il est plus que temps de voir des alternatives Ă©merger. Câest le constat de la brillante Sari Azout (cf. PWA #35) dans son nouvel essai entre curation, rĂ©bellion et dĂ©centralisation.
Duo de choc : Si vous aviez entendu parler ici ou ailleurs de la passion economy, il est temps pour vous de dĂ©couvrir sa petite sĆur. Car la thĂšse de Jesse Walden sur lâownership economy est lâĂ©volution naturelle de la fameuse analyse de Li Jin sur lâavenir des crĂ©ateurs. Et comme ces derniers viennent de faire Ă©quipe autour dâun nouveau fonds dâinvestissement, vous savez vers oĂč regarder pour savoir ce qui nous attend.
đŁÂ PETITES ANNONCES⊠Missions freelances & CDI
Pour relayer une mission freelance ou une offre en CDI :Â benjamin.perrin.pro@gmail.com
La Déferlante recherche un(e) Responsable de Communauté.
Chance recrute un(e) Copywriter.
Le festival We Love Green cherche un(e) Social Media Manager.
Doctolib recrute un(e) UX Writer.
Bonne Gueule recherche un(e) Copywriter adepte de CRM.
Hubspot recrute un(e) Content Designer.
Moka.care recherche des plumes en freelance pour Ă©crire sur la santĂ© mentale. â camille@moka.care
đŁÂ MEANWHILE⊠Lâactu de la communautĂ©
Et vous, ils ressemblent Ă quoi vos projets du moment ? Ăcrivez-moi pour mâen parler et apparaĂźtre dans la prochaine Ă©dition : benjamin.perrin.pro@gmail.com
Nora lance un podcast sur lâagriculture du futur.
Virgile a fĂȘtĂ© le premier anniversaire de Figures.
Mona a été interviewée au Salon de la Revue.
Eliot lance son social token $ELIOT.
Laureline a parlé de son premier morceau au saxophone.
Corentin mâa fait Ă©couter son EP.
Vanina a interviewé Marie Ekeland.
LoĂŻc mâa prĂ©sentĂ© son podcast Passion Lab.
DERNIĂRE CHOSEâŠ
La prochaine Ă©dition arrive dâici la fin de semaine. Eh oui, dĂ©jĂ ! Mais je dois respecter lâengagement qui tient depuis le dĂ©but de lâaventure, Ă savoir publier deux newsletters par mois. Alors souhaitez-moi bien du courage, car je vais en avoir besoin.
May the words be with you,
Benjamin
P.S : Retrouvez toutes les newsletters prĂ©cĂ©dentes dans lâarchive de Plumes With Attitude. Et si vous avez aimĂ© cette Ă©dition, nâhĂ©sitez pas Ă la partager autour de vous, ainsi quâĂ vous abonner pour recevoir les suivantes par e-mail.