Il y a des médias pour qui il y a un avant et un après Web3. Il ne s’agit pas (encore ?) de PWA — même si on en a parlé ici et là — mais de la newsletter de notre nouvel invité.
Le mois de novembre aura d’ailleurs fait la part belle à la création de médias. Et après une édition sous le signe de la disparition, place à l’avant-garde !
Entre journalisme et divertissement, minimalisme et maximalisme, art et argent, je vous invite à jouer aux funambules entre les différentes strates d’un nouvel écosystème en pleine ébullition.
Bonne lecture à tous,
Benjamin
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🎙 INTERVIEW… Kyle Chayka
À chaque newsletter, je vous propose de découvrir le portrait et les idées d’une véritable plume “With Attitude”. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Kyle Chayka, journaliste indépendant pour des médias de référence comme le New Yorker, Vox ou encore The Verge. Il est également auteur et co-fondateur de Dirt, première newsletter financée par la vente de NFT.
Salut Kyle et merci d'avoir accepté l'invitation. Je suis très heureux de te recevoir aujourd’hui ! J'ai suivi ton évolution et celle de ta newsletter Dirt vers Web3 avec beaucoup d’attention. Pour commencer, je voulais savoir comment tu décrivais le projet au moment où tu l’as lancé, ainsi que comment tu le présentes maintenant.
J'ai lancé Dirt en décembre 2020. À ce moment-là, il y avait encore beaucoup de confinements en vigueur dans le monde. Comme on était nombreux à être bloqués chez soi, une grande partie de nos discussions portaient sur ce qu’on regardait sur Netflix, TikTok ou encore Twitch.
L’idée avec cette newsletter quotidienne était tout simplement d’aider les gens à trouver quoi faire sur internet. On a eu beaucoup de croissance organique très rapidement, étant donné que tout le monde passait beaucoup de temps en ligne et avait plus que jamais besoin d’accéder à de nouvelles formes de divertissement.
C’est au printemps 2021 que j’ai commencé à me retrouver de plus en plus exposé sur Twitter aux discours sur la crypto et les NFT. J’ai alors eu envie d’expérimenter à mon tour avec ces nouveautés, surtout quand j’ai remarqué que l'avant-garde culturelle et l'écosystème Web3 commençaient à fusionner.
Au cours de mes recherches, j'ai réalisé que les NFT pouvaient constituer une alternative pour financer Dirt. Et alors qu’on explorait cet univers émergent avec ma co-fondatrice Daisy Alioto, on a également couvert davantage l’écosystème crypto dans la publication.
Il me semble que Dirt est la toute première newsletter financée par des NFT. Y a-t-il eu un événement spécifique qui t’a mis sur cette voie ?
D'autres projets crypto l'ont probablement fait avant nous, mais je pense que Dirt est la première publication grand public à adopter ce modèle. Ce qui s’est passé, c’est que je voyais toute cette énergie autour des NFT dans mon feed Twitter. Et j’ai probablement été un peu jaloux et envieux de tout ce qui se passait à ce moment-là.
J’étais également déterminé à aller au-delà du modèle de newsletters payantes proposé par Substack. Je pense que le système d'abonnement est bien pensé pour les auteurs en solo, mais je ne suis pas convaincu qu'il soit viable pour toute une rédaction.
Comme on travaille avec de nombreux contributeurs et qu’on a l'ambition de construire une plus grande entreprise au fil du temps, on avait besoin d'une solution plus pérenne pour financer notre développement. Et bien sûr, le modèle NFT nous apparaissait comme plus novateur, plus excitant.
En juillet, tu as écrit un article pour le New Yorker assez critique envers certains aspects de la creator economy. L'un de tes arguments principaux concernait la "gig-gification" du travail créatif. Penses-tu qu’il est possible d’éviter cet écueil avec le modèle Web3 ?
Le problème avec la creator economy, c’est qu'un petit nombre de plateformes centralisées comme Substack, Patreon ou OnlyFans se retrouvent avec beaucoup de pouvoir. L'écosystème Web3 veut inverser cette situation en donnant plus de contrôle aux créateurs et à leur audience. Les outils crypto permettent de créer une économie autour de tout et n'importe quoi. Et c'est ce qui se passe en ce moment même : de nombreux créateurs ont commencé à créer toute une économie autour de leur univers. Et je trouve que la faculté de pouvoir contrôler toutes les ramifications de son travail est souhaitable pour tout un chacun.
J'ai récemment lu un article sur la difficulté de trouver une porte de sortie en tant qu’auteur de newsletter. Certains se font recruter par des médias comme The Atlantic — voire vendent leurs publications — mais c'est plutôt l'exception que la règle aujourd’hui. Avoir des abonnés payants à satisfaire entraîne également une certaine charge mentale. D’ailleurs, on parle de plus en plus de burn-out dans le milieu. Mais avec Web3, les personnes qui soutiennent les projets peuvent en posséder une partie, accéder à un système de gouvernance, mais aussi avoir des attentes plus élevées au niveau de leur retour sur investissement. Et donc, je me demandais : penses-tu que le modèle crypto a plutôt tendance à accroître ou alléger la pression sur les créateurs ?
C'est une excellente question. Je pense qu’à l’avenir, ce sera un grand dilemme. Un certain nombre d'auteurs se sont lancés dans les newsletters parce qu'ils pensaient pouvoir gagner gros en accédant directement à leurs lecteurs grâce aux abonnements. Je crois que beaucoup d'entre eux n'étaient pas prêts à passer au niveau supérieur et n'ont pas réussi à développer leur activité au-delà d'une seule personne. Souvent, le burn-out est la conséquence d’une charge de travail trop élevée que l’on doit assumer seul. C'est pourquoi certains auteurs de newsletter ont préféré rejoindre des médias comme The Atlantic, le New York Times ou autre.
Ceux-ci ont dû réaliser qu'ils aspiraient à plus de sécurité et de stabilité, avec une grande structure derrière eux pour ne plus être seuls — ce qui est ironiquement le but d'une newsletter indépendante (rires). Pour être tout à fait honnête avec toi, je ne sais pas trop quoi penser de ces gens-là…
Donc je pense qu’il faut se préparer dès le début à faire évoluer sa publication au-delà d'une seule personne, même s'il ne s'agit que de quelques personnes en plus. Car selon moi, il faut très vite que le projet ne dépende pas seulement de toi. Et le plus tôt, le mieux. Sinon, tu risques de te retrouver en burn-out.
À côté de ça, les outils crypto constituent une source de revenus plus rapide et scalable que les abonnements. Prenons l’exemple d’un projet NFT d’envergure comme Bored Ape Yacht Club. La plupart de leurs revenus récurrents sont générés par les royalties sur le marché secondaire. Leurs créateurs n'ont donc pas à sortir chaque jour de nouvelles NFT ou même à interagir avec leur communauté au quotidien.
Donc je ne pense pas qu’ils soient en burn-out dans leur situation. Ils ont tout le temps qu’ils veulent pour développer une stratégie à long terme. Leur vie ne ressemble en rien à celles de créateurs qui doivent publier de nouveaux contenus chaque jour pour leurs abonnés. C’est pourquoi je pense donc que les projets basés sur des NFT (ou des social tokens) ont le potentiel de générer des revenus récurrents plus rapidement, ce qui met moins de pression sur la production de contenu en elle-même.
Du coup, j’ai envie de savoir comment tu t’y es pris avec Dirt. Je sais que tu as créé des NFT et des social tokens pour financer la publication. Mais peux-tu nous expliquer comment ça marche concrètement ?
On a développé nos NFT comme des objets à collectionner. En soi, c’est de la création de contenus à part entière. Vendre ces NFT nous a permis de financer la publication de façon originale, avec des récompenses à la clé pour les personnes décident de nous soutenir. Aujourd’hui, on ne dispose pas d'un marché secondaire très actif, mais ça pourrait très bien être le cas à l'avenir. Notre token $DIRT quant à lui permettra aux membres de notre communauté de s'impliquer dans le projet. Cela fonctionnera comme un outil de gouvernance. Bientôt, les détenteurs de $DIRT pourront passer des commandes d’articles, nous aider à décider si on devrait publier plus de critiques, d'interviews ou d’essais, ou encore nous indiquer les sujets qu'ils souhaiteraient voir traités dans la publication.
En tant que journaliste, que penses-tu de cette perspective que vos lecteurs puissent avoir leur mot à dire dans vos choix éditoriaux ?
On essaye de faire en sorte que Dirt soit compatible avec le modèle crypto. On est donc en train d’expérimenter tout ça en public, donc c’est difficile de répondre avec certitude. Reste qu’il s’agit d’une publication légère de divertissement. Il s'agit surtout de laisser nos lecteurs nous dire quels sujets ils ont envie de lire dans la newsletter.
Ce serait très différent si Dirt était une publication politique ou de journalisme d'investigation. Si c’était le cas, je ne laisserais jamais personne avoir son mot à dire sur nos sujets ou sur la façon dont on devrait les traiter. Quoi qu’il en soit, nos rédacteurs et éditeurs ont un droit de veto sur tout ce qu’on publie.
Sur le plan personnel, je ne voudrais pas qu’on me dise sur quoi écrire. Mais au niveau de la publication, c'est différent. Si nos lecteurs veulent qu’on parle de la saison 2 d’Emily in Paris, ma foi on trouvera quelqu'un qui sera heureux de le faire.
Très bien, je comprends mieux maintenant. En 2020, tu as sorti un livre, The Longing for Less: Living with Minimalism, et aujourd’hui tu es dans la crypto — qui n’est selon moi pas vraiment un univers minimaliste. L'un des termes populaires de l'industrie est d’ailleurs le “maximalisme”. La thèse de ton livre critique notamment le mouvement “airspace” : cette tendance de design d’intérieur à l'esthétique épurée (voire fade, c’est selon) répandue dans le monde entier et influencée par des entreprises comme WeWork ou Airbnb. Au-delà du maximalisme, le monde de la crypto peut être caractérisé par une certaine extravagance — notamment avec les NFT. Alors je me demandais, vois-tu des liens entre ces deux mouvements que tout semble opposer ?
Dans le livre, une partie de mon argumentaire est que, si nos expériences digitales sont toujours plus immersives, plus maximalistes, notre approche de la vie réelle est quant à elle devenue plus minimaliste. Aujourd’hui, on vit de plus en plus à travers les écrans. D’où une tendance à vouloir un intérieur simple et apaisant — et non une décoration trop sophistiquée ou surchargée.
En même temps, je peux tout à fait comprendre. Quand je vois à quel point mon feed Twitter part dans tous les sens, je ne veux surtout pas retrouver le même chaos dans mon appartement. Je pense donc que le maximalisme en ligne entraîne le minimalisme dans la vie réelle.
Un autre lien que je fais est la popularité du minimalisme dans les NFT. C'est le cas de la collection la plus célèbre, CryptoPunks, qui a lancé la tendance du pixel art dans le milieu. Et je pense que son immense succès rejoint également ce nouveau fétichisme pour le minimalisme dans notre quotidien.
Pour moi, l'extravagance de l’écosystème crypto et NFT se retrouve également dans l'extrême optimisme des personnes qui le composent. Mon feed Twitter est un véritable cocktail d'espoir, de foi et de détermination dans le fait que la crypto va rendre le monde meilleur. À côté de ça, les analyses par la presse sont souvent bien plus pessimistes. Comme tu as une double casquette de journaliste et de créateur impliqué dans la crypto, où places-tu le curseur ?
Aujourd’hui, il n'y a pas beaucoup de bon journalisme sur les sujets crypto et Web3 dans les grands médias. La plupart des publications grand public sont larguées. C'est pour ça qu’on voit beaucoup d'articles très négatifs ou exagérés. Les journalistes ne comprennent pas ce qui est en train de se passer, notamment parce qu'ils restent à l’extérieur de cet écosystème.
On a donc d’un côté des journalistes aigris. De l'autre côté, on retrouve des jeunes de 19 ans surexcités qui gagnent des millions de dollars en vendant des NFT ou en convertissant des social tokens qu'ils ont achetés en tout début de projet. Reste que c’est facile d'être optimiste quand on gagne autant d'argent du jour au lendemain. Pour moi, ce genre d'optimisme est lui aussi exagéré. L’enjeu est donc de trouver un juste milieu dans tous ces propos contraires. Et surtout d’être réaliste sur tout ce qui se passe.
Réaliste que certaines personnes gagnent des sommes d’argent absurdes du jour au lendemain. Réaliste que certaines entreprises ont des projets prometteurs et pérennes. Réaliste quant au fait que d'autres font des choses totalement illégales et qui n’ont aucune viabilité à long terme. Et enfin, réaliste à propos de toutes ces arnaques qui ont de vraies conséquences financières pour les personnes qui se font avoir.
Tout cela se produit en même temps. Quand on parle de crypto, il est nécessaire de considérer chacun de ces segments et de ne faire l’impasse sur aucun d’entre eux. Et bien sûr, c’est ça le plus dur.
As-tu des prédictions au sujet de l'adoption future de la crypto par les médias ?
Ce que j'observe en ce moment, c'est que les départements Produit de tous les grands médias essaient de trouver quoi faire des NFT et social tokens. Et ils ont bien raison : c'est à mes yeux une évidence pour quiconque publie du contenu en ligne.
Avec Dirt, on a l'avantage d'avoir lancé un média crypto-natif. Cela veut dire qu’on a construit le projet avec les outils créés par l'écosystème et cela nous permet aussi de mieux couvrir l’industrie. Mais ce n'est qu'une question de temps pour que les journalistes rattrapent leur retard : tout le monde embauche des journalistes crypto en ce moment. La couverture médiatique de l’écosystème devrait donc bientôt s'améliorer et changer de tonalité — ce qui est une bonne nouvelle pour tout le monde.
On devrait également voir davantage d'expérimentations de la part des médias traditionnels dans les années à venir. Ceci dit, je pense que la plupart des innovations majeures continueront à venir des entreprises crypto-natives. Les entrepreneurs tech ont de grandes chances de garder une longueur d'avance. Qui plus est, ils sont en train de transformer leurs entreprises en médias. Bored Ape Yacht Club, c’est un média ! Et un média qui fait des dizaines de millions de dollars par mois uniquement en royalties. Honnêtement, qui n’a pas envie d’un business model comme ça ?
C’est vrai qu’ils sont devenus une marque fascinante à suivre. Or, j'ai justement ce sentiment que la marque est l'atout le plus précieux pour toute entreprise qui se lance dans les NFT aujourd’hui. Et ça s'applique aussi selon moi à la marque personnelle des créateurs, avec une importance accrue du capital social dans le milieu. En tant que journaliste qui écrit pour des médias de référence, je trouve ta transition vers Web3 très inspirante pour les journalistes et autres personnes qui se considèrent comme des outsiders dans ce nouvel écosystème. Quelles sont tes recommandations pour entrer dans le milieu, se débarrasser de ses préjugés et commencer à construire son capital social ?
En effet, je pense que le capital social joue un rôle énorme dans la crypto — ce que je trouve regrettable. Web3 se présente comme un espace très démocratique, mais il privilégie largement les personnes qui peuvent se permettre de passer 24 heures par jour en ligne et miser de grosses sommes d'argent. Par définition, la communauté ne peut pas être aussi inclusive que l'industrie le pense.
Ceci dit, Web3 récompense la participation. Suivre l’actualité crypto, écrire à des insiders sur Twitter, prendre le temps d’analyser ce qui se passe : ça fait déjà la différence. Il faut se dire que tout est construit en public, tout se passe sous nos yeux.
Quand Loot a pris tout l’écosystème NFT par surprise cette année, cela a fourni un nouveau playbook pour toute l’industrie. Et pourtant, il y a peut-être eu un seul article de la part d’un grand média à ce sujet. Cela me semble pourtant important de discuter davantage de ce que tout cela implique, et aussi d’imaginer à quoi les modèles du futur pourraient ressembler.
Pour ce qui est de dépasser ses propres préjugés, c’est compliqué. Je pense qu’il faut commencer à contribuer à l’écosystème d'une façon ou d'une autre. Tu ne peux pas écrire un article neutre et objectif sur les NFTs si tu n’en as jamais acheté. Sans ça, tu ne peux pas comprendre de quoi il s’agit vraiment. Je pense donc que les auteurs et journalistes doivent participer dans une certaine mesure, même si ce n'est pas avec leur propre argent.
J'ai lu un article de Motherboard sur la débâcle dans le Discord de ConstitutionDAO juste après l’échec de la vente aux enchères. Et j'ai trouvé ça génial que le journaliste [Jordan Pearson] précise qu'il a obtenu un budget de Motherboard pour acheter le token $PEOPLE, puis qu'il a rejoint le Discord et vécu toute l'expérience avant d'écrire son papier. Je trouve ce type d'expérimentation essentiel pour des reportages de qualité.
Motherboard couvre depuis un certain temps la culture hacker et a cette réputation de faire ça très bien. Mais dans l'ensemble, les analyses crypto par les médias traditionnels ne sont pas encore au niveau du journalisme financier — ce qui devrait pourtant être le cas. J'ai hâte que le discours médiatique gagne en maturité sur ce type de sujet.
Au-delà de Dirt et de ton activité de journaliste indépendant, tu es en train d’écrire un livre sur le rôle que jouent les algorithmes dans nos vies. Dans l'écosystème crypto, on peut avoir cette impression que les individus cherchent à s’affranchir des institutions. Cela vaut également pour les algorithmes, avec cette volonté de reprendre le contrôle sur leurs données et leur vie privée. Alors je me demandais, comment ton exploration de Web3 influence-t-elle l'écriture de ton livre ?
Les gens en ont marre des recommandations algorithmiques. Les feeds automatisés sur Facebook, YouTube ou Instagram causent d'énormes problèmes dans le discours public. J’ai l’impression que les gens ont tendance à se détourner progressivement d’une approche passive des plateformes automatisée. Et il est vrai que la crypto et les NFTs sont un moyen de s'en éloigner.
Ceci dit, le discours crypto existe aujourd’hui principalement sur Twitter... qui repose sur des algorithmes. Discord est l'autre acteur majeur et fonctionne avec du chat en temps réel. Pas d'algorithme donc, mais suivre toute cette activité est épuisant. Tôt ou tard, on finit par opter pour les résumés Discord générés par algorithmes — ce qui conduit évidemment aux mêmes problèmes.
Donc même si l’idée derrière la crypto est de s’éloigner des algorithmes, son écosystème en est toujours dépendant pour le moment. Reste que son principe tend vers la décentralisation du contenu en ligne et apporte ce sentiment que certaines de nos données nous appartiennent — et non aux GAFA. Je pense donc que c'est une forme de progrès, au moins du point de vue de l'expérience utilisateur.
Au cours de mes recherches pour cette interview, j'ai écouté ton épisode dans le podcast Means of Creation par Li Jin et Nathan Baschez. Tu as notamment dit que la crypto apporte les bons leviers pour récompenser le bon goût dans la curation humaine. Mais comment cela fonctionne-t-il exactement ? Ne penses-tu pas que ces leviers peuvent également conduire à l'effet inverse, à savoir faire passer les intérêts personnels des gens avant la qualité de leurs recommandations ?
Jusqu’ici, la curation était essentiellement motivée par la perspective d’accroître sa base de followers, ce qui peut conduire à des opportunités publicitaires et financières. Mais dans l’univers crypto, il y a une vraie incitation à acheter une NFT ou participer à une distribution de tokens très en amont, dans la mesure où la valeur de ces actifs pourrait augmenter.
Il y a donc un véritable mécanisme de récompense associé à ton goût et à ton flair dans l’identification de tels projets. Si ton intérêt est authentique, alors c’est une bonne chose d’être encouragé à en parler autour de toi. Mais si tu veux juste faire du pump & dump, hélas ça marche de la même façon.
Les incitations au partage s'alignent donc pour le curateur, mais pas nécessairement pour la qualité du contenu en question. Tu peux autant y gagner à recommander des projets NFT douteux qu'en poussant des créations dignes d'attention. La grande différence est que la technologie blockchain te donne cette sorte de cachet qui atteste que tu étais là au début du projet. Et je trouve cette perspective intéressante à bien des égards.
C’est fou comme le goût et le discernement sont devenus des compétences aussi précieuses en crypto…
Tous les domaines de l’existence deviennent des contenus digitaux. Avoir un bon goût en matière de contenus en ligne est une compétence qui peut changer ta vie. J'ai écrit un essai sur l'économie des memes dans lequel il est question de cette nouvelle perspective moderne de pouvoir gagner plus d'argent en pariant sur les bon memes que certains n’en gagneront au cours de toute une carrière.
De façon générale, être capable de diffuser tes goûts et de créer une audience autour de ces derniers t’aide à construire un capital social. Et ça me semble plus intéressant de voir des individus gagner en influence par leur contenu plutôt qu'en postant des selfies tous les jours, par exemple.
Je trouve que c'est une bonne illustration de la différence entre Web2 et Web3 en termes de comportements recherchés chez les individus. Pour en revenir à ta thèse sur l'airspace et le minimalisme, l’ironie est que le goût a fini par devenir plus valorisé en ligne que dans la vie réelle. Bref, je trouve que c'est une conclusion étonnante à cette conversation — que j’ai adorée. Alors merci beaucoup Kyle, et j'ai hâte de voir ce que tu nous réserves avec Dirt pour la suite.
3 éditions de Dirt recommandées par Kyle :
Are NFTs Status Symbols? “W. David Marx, un critique culturel que je ne me lasserai jamais de lire, a écrit cet essai sur l'utilité des NFT en tant que symboles de statut, ce que la scène crypto semble prendre pour acquis.”
TikTok and Suburban Gothic : “Daisy Alioto a écrit cet essai dense sur l'esthétique de la banlieue vue à travers TikTok, et qui a eu un grand succès. Je pense que de nombreux lecteurs l'ont aimé parce qu'ils s'y sont reconnus.”
Uniqlo is Sally Rooneycore : “Si Dirt existe pour une raison, c’est bien pour publier genre de critiques culturelles qui ne trouvent pas leur place ailleurs. Cet article que j'ai écrit sur les influences normcore dans la mode et la littérature fait la part belle à l'image — et pour une bonne raison.”
🔮 KNOWLEDGE IS POWER… Maintenant vous savez !
Un bel essai, un bon portrait et une lecture enchantée.
Limite limite : Notre invité n’est pas le seul à pointer du doigt les écueils de la creator economy. L’autrice Nadia Eghbal a pris la plume pour comparer la pression de la création à tout prix à celle de la recherche académique.
Dans le retro : Marty Bell, créateur — entre autres — de la fameuse station de radio en ligne Poolside FM, a lancé cette semaine sa première série de NFT. L’occasion de revenir en un article sur son approche unique de la curation et de la viralité.
“Enchanté” : Probablement l’article que j’ai préféré ce mois-ci. Une lecture fantastique sur les différentes formes d’enchantement de nos mondes intérieurs et extérieurs.
🎣 PETITES ANNONCES… Missions freelances & CDI
Pour relayer une mission freelance ou une offre en CDI : benjamin.perrin.pro@gmail.com
Memobank recrute un(e) Responsable Communication.
Respire recherche un(e) Copywriter.
Wethenew cherche un(e) Responsable Édito.
Back Market recrute un(e) Content Manager.
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Semper cherche des plumes FinTech en freelance. → arnaud@meetsemper.com
🗣 MEANWHILE… L’actu de la communauté
Et vous, ils ressemblent à quoi vos projets du moment ? Écrivez-moi pour m’en parler et apparaître dans la prochaine édition : benjamin.perrin.pro@gmail.com
Rachel a eu droit à un portrait dans Les Échos.
Sebastien a publié la première édition de sa newsletter.
Roxanne parle du syndrome de l’imposteur dans la presse.
Samuel est allé chez Ben & Jerry’s pour son second documentaire.
Sophie a co-écrit un livre sur la malvoyance.
Gregory a sorti un épisode de Vlan! sur les NFT.
DERNIÈRE CHOSE…
Ça y est : on est dans la dernière ligne droite ! La prochaine newsletter marquera l’interview finale de 2021 avant la traditionnelle édition de fin d’année. D’ici là, j’ai une petite question pour vous :
Quelle(s) édition(s) de PWA avez-vous préféré cette année ?
E-mail, Twitter, Substack, LinkedIn : qu’importe le flacon (pour m’écrire), pourvu qu’on ait l’ivresse (de la réponse).
May the words be with you,
Benjamin
P.S : Retrouvez toutes les newsletters précédentes dans l’archive de Plumes With Attitude. Et si vous avez aimé cette édition, n’hésitez pas à la partager autour de vous, ainsi qu’à vous abonner pour recevoir les suivantes par e-mail.