Parfois, le hasard (du calendrier) fait bien les choses. Cette premiĂšre Ă©dition de 2021 nâest pas seulement la trentiĂšme depuis le dĂ©but, câest aussi la premiĂšre que je publie depuis que jâai eu trente ans dĂ©but janvier. Je vous laisse le soin de deviner le seuil qui me rĂ©jouit le plus. đ
AprĂšs une newsletter spĂ©ciale aux allures de bilan envoyĂ©e un peu tard le jour de Nouvel An, il me tardait de revenir avec mon exercice fĂ©tiche : lâinterview. Et pour la premiĂšre de lâannĂ©e, je ne pouvais pas choisir meilleur invitĂ©.
Car si vous faites vous aussi partie de ces drĂŽles dâoiseaux qui aiment vraiment les bonnes rĂ©solutions, vous allez probablement aimer cette nouvelle conversation. De lĂ Ă ce que lâenvie vous prenne dây ajouter des objectifs dâĂ©criture, il nây a quâun pas. Et je serai fier de moi si câest le cas.
Enfin, il ne me reste plus quâune chose Ă vous dire avant de vous laisser dĂ©couvrir cette nouvelle Ă©dition. Je vous souhaite Ă toutes et Ă tous une excellente annĂ©e, ainsi que plein de rĂ©ussites, de joie et de plumes dans tous vos projets.
Bonne lecture Ă vous,
Benjamin
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đ INTERVIEWâŠÂ Max Nussenbaum, Program Director @ On Deck
Ă chaque newsletter, je vous propose de dĂ©couvrir le portrait et les idĂ©es dâune vĂ©ritable plume âWith Attitudeâ. Pour cette premiĂšre Ă©dition de 2021, jâai le plaisir de vous prĂ©senter un nouvel invitĂ© amĂ©ricain. Max Nussenbaum est Directeur de Programme pour le Writer Fellowship de lâaccĂ©lĂ©rateur de talents le plus dingue du moment : On Deck. Alors pour cette rentrĂ©e, permettez-moi de vous prĂ©senter votre nouveau professeur prĂ©fĂ©rĂ© !
Salut Max et merci beaucoup d'avoir acceptĂ© cette interview ! Pour commencer, jâaimerais revenir sur ton parcours. Tu as Ă©tĂ© tour Ă tour employĂ© puis fondateur de start-up, mais aussi freelance dans le design, le produit et le dĂ©veloppement web. Tu as Ă©galement coĂ©crit Oversubscribed, un livre sur les levĂ©es de fonds. Ce que je me demandais, câest : pourquoi l'Ă©criture ? Et comment est-elle arrivĂ©e dans ta vie au milieu de tous ces centres d'intĂ©rĂȘt ?
Je me suis toujours intĂ©ressĂ© Ă l'Ă©criture, et ce avant mĂȘme d'avoir mes premiers souvenirs conscients. Mes parents ont gardĂ© des histoires que j'avais griffonnĂ©es au dĂ©but de lâĂ©cole primaire. Plus tard, j'en ai fait ma spĂ©cialisation Ă la fac oĂč jâĂ©tais major de promo en Ă©criture crĂ©ative. Jâai Ă©galement Ă©crit la comĂ©die musicale de lâĂ©tablissement, puis un recueil de nouvelles. Tout ça pour dire quâĂ lâĂ©poque je pensais vraiment faire de lâĂ©criture mon mĂ©tier.
Mais aprĂšs avoir obtenu mon diplĂŽme [en 2012], je me suis rendu compte que les mĂ©tiers de lâĂ©crit nâĂ©taient pas tout Ă fait comme je me les Ă©tais reprĂ©sentĂ©s. Jâavais sous-estimĂ© la dimension solitaire de lâactivitĂ©, lĂ oĂč jâattendais de mon travail quâil soit le plus collaboratif possible. J'ai donc fini par faire un plongeon inattendu dans le grand bain des start-ups. J'ai travaillĂ© pour plusieurs boĂźtes tech, avant de crĂ©er une start-up dans lâimmobilier qui a connu une ascension aussi fulgurante que lâa Ă©tĂ© sa chute â ce qui reste somme toute classique dans la Silicon Valley.
Ceci dit, l'Ă©criture occupait toujours une certaine place dans ma vie, notamment via diffĂ©rents side-projects. J'ai Ă©galement rĂ©alisĂ© que de nombreuses compĂ©tences que j'avais acquises en tant quâentrepreneur Ă©taient, d'une façon ou d'une autre, reliĂ©es Ă l'Ă©criture. Une grande partie de mon travail de lâĂ©poque consistait ainsi Ă crĂ©er des histoires, que ce soit pour dĂ©finir la raison dâĂȘtre de notre produit, pour Ă©tayer notre vision auprĂšs dâinvestisseurs, ou pour dĂ©velopper une narration qui va convaincre des personnes de rejoindre lâentreprise. Quelques annĂ©es plus tard, lâĂ©criture revenait au centre de ma vie avec cette fameuse proposition de rejoindre On Deck pour crĂ©er le Writer Fellowship.
Le job de rĂȘve pour toi ! Comment cette opportunitĂ© sâest-elle prĂ©sentĂ©e Ă toi ?
En fait, câest totalement liĂ© Ă ma pratique rĂ©guliĂšre de l'Ă©criture. Jâai commencĂ© ma carriĂšre Ă Detroit comme Erik Torenberg, le fondateur d'On Deck, que jâai rencontrĂ© grĂące Ă lâĂ©criture et avec qui je suis ami depuis prĂšs de dix ans. On a fait des ateliers d'Ă©criture ensemble et on a Ă©galement fait partie dâun club de lecture cĂ©lĂšbre pour sa longĂ©vité⊠dâune seule rĂ©union (rires). Les annĂ©es ont passĂ©, nous avons chacun quittĂ© Detroit mais nous sommes restĂ©s trĂšs liĂ©s par lâĂ©criture.
Lorsqu'il a voulu lancer le Writer Fellowship, il a pensĂ© Ă moi et mâa proposĂ© de rejoindre On Deck pour crĂ©er le programme. Pour moi, cela illustre parfaitement l'une des raisons pour lesquelles toute personne ambitieuse devrait Ă©crire et publier sur Internet. Car câest grĂące Ă lâĂ©criture quâon a chacun pu suivre les aventures de lâautre Ă distance et que nous ne nous sommes jamais perdus de vue.Â
Câest vrai, l'Ă©criture crĂ©e un lien assez unique avec ses lecteurs. Et Ă lâĂ©chelle dâune vie, cela va inĂ©vitablement apporter son lot de sĂ©rendipitĂ©. Jâai dâailleurs le sentiment que c'est une notion au cĆur de lâapproche dâOn Deck. Alors parlons-en ! Ă titre personnel, jâai toujours perçu On Deck comme un programme trĂšs Ă©litiste. AprĂšs tout, votre objectif est de former la nouvelle gĂ©nĂ©ration de talents dâexception dans des domaines comme l'entrepreneuriat, lâangel investing, la crĂ©ation de contenu, ou plus rĂ©cemment la santĂ© et le climat. Ceci dit, vous tenez Ă rendre vos programmes accessibles Ă tous, avec des initiatives comme lâAccess Fund. Mais au-delĂ de ce dispositif, oĂč placez-vous le curseur entre sĂ©lectivitĂ© et diversitĂ© dans les admissions Ă vos diffĂ©rents programmes ?
Câest une excellente question ! On Deck a deux missions qui peuvent sembler contradictoires au premier abord. La premiĂšre concerne l'accessibilitĂ© au plus grand nombre, en partant de lâidĂ©e que les talents peuvent venir de n'importe oĂč. Et comme tu l'as mentionnĂ©, la seconde est de construire une communautĂ© Ă Ă©chelle mondiale. Depuis le dĂ©but, lâidĂ©e est dâavoir une communautĂ© entiĂšrement dĂ©centralisĂ©e et donc accessible dans le monde entier. Certains parlent dâOn Deck comme une âSilicon Valley dans le cloudâ. En effet, notre objectif est de mettre fin Ă cette nĂ©cessitĂ© de vivre dans un endroit prĂ©cis pour faire partie d'une certaine communautĂ©. Le deuxiĂšme angle concerne lâexpĂ©rience au sein dâOn Deck. Tous nos programmes sont sĂ©lectifs, mais certains sont bien plus difficiles Ă intĂ©grer que d'autres. Le Founder Fellowship est notamment trĂšs prisĂ© et peut sembler inaccessible pour beaucoup, mais en rĂ©alitĂ© il existe plus d'une voie pour y accĂ©der.
Supposons que tu souhaites crĂ©er une start-up un jour mais que tu n'as pas encore d'idĂ©e. Aujourdâhui, les Writer et Podcaster Fellowships sont des programmes plus accessibles qui tâaideront Ă tester des idĂ©es et Ă les dĂ©velopper en public. Tu feras Ă©galement partie de la communautĂ© On Deck pour le restant de ta vie, ce qui te confĂšre un certain avantage pour rejoindre plus tard le Founder Fellowship. Imaginons maintenant que tu lances ta start-up et que celle-ci commence Ă bien marcher. Et bien, tu auras la possibilitĂ© d'envoyer tes employĂ©s dans d'autres programmes tels que les First 50 ou Chief Of Staff Fellowships. Et ainsi de suite selon une logique dâeffets de rĂ©seauxâŠ
Pour ce qui est de la sĂ©lection parmi les candidats, nous nous posons toujours deux questions. Tout dâabord, peut-on aider cette personne Ă atteindre les objectifs quâelle sâest dĂ©finie ? Et enfin, partage-t-elle les valeurs qui feront dâelle un membre impliquĂ© dans la communautĂ© ? Au-delĂ de nos programmes, On Deck câest une culture de lâĂ©change et de la rĂ©ciprocitĂ©. Et pour les fellows, cela se traduit par du temps investi, des connaissances partagĂ©es et du soutien apportĂ© Ă la communautĂ©.
J'aime beaucoup cette approche à la "choose your own adventure" entre les programmes. Et comment les différents fellowships communiquent entre eux ?
LâidĂ©e, câest de faire en sorte que chaque fellowship puisse apporter quelque chose aux autres. L'ensemble du rĂ©seau doit donc ĂȘtre plus fort Ă chaque nouveau programme créé et Ă chaque nouvelle cohorte lancĂ©e. Au cĆur de notre vision, il y a toujours eu cette volontĂ© dâencourager l'entrepreneuriat. Aujourdâhui encore, lâopinion publique a toujours cette fĂącheuse tendance Ă rĂ©duire les entrepreneurs aux clichĂ©s de la Silicon Valley alors quâils ne sont que la partie Ă©mergĂ©e dâun immense iceberg.
Les crĂ©ateurs de newsletters ou de podcasts eux aussi sont des entrepreneurs. AprĂšs tout, eux aussi construisent des produits, interagissent avec une audience et bĂątissent des communautĂ©s. Avoir une routine de publication implique dâailleurs de dĂ©velopper des compĂ©tences qui vont bien au-delĂ de lâĂ©criture. Cela passe notamment par les fondamentaux de la croissance, du branding et de la distribution de contenu. Et je trouve qu'il est toujours plus stimulant d'apprendre toutes ces choses au sein d'une communautĂ© de pairs plutĂŽt que seul dans son coin. C'est une grande partie de la thĂšse derriĂšre le Writer Fellowship.
De plus, nous construisons une communautĂ© unique Ă Ă©chelle mondiale et non une succession de fellowships en silos. Nous avons donc mis en place un certain nombre de choses pour permettre aux membres des diffĂ©rents programmes d'interagir entre eux. En fĂ©vrier, nous organisons notre tout premier Global Weekend Build. L'objectif est de faire collaborer des personnes de diffĂ©rents programmes au sein d'Ă©quipes pluridisciplinaires. Par exemple, j'ai hĂąte de voir la prochaine cohorte dâauteurs ĂȘtre initiĂ©e au branding visuel auprĂšs de leurs pairs du Designer Fellowship. En retour, ils auront l'occasion de leur partager leurs techniques de conception-rĂ©daction et de storytelling.
Jâimagine que le Writer Fellowship reflĂšte ton approche de lâĂ©criture ainsi que ta propre personnalitĂ©. Peux-tu mâen dire plus sur la construction de son contenu pĂ©dagogique ?Â
Le Writer Fellowship a Ă©tĂ© le premier programme lancĂ© aprĂšs le Founder Fellowship. Par la suite, j'ai Ă©tĂ© amenĂ© Ă aider les autres directeurs de programmes qui ont lancĂ© leur propre fellowship. Et l'un des aspects qui mâa le plus marquĂ©, câest prĂ©cisĂ©ment cet alignement entre tes choix sur le volet pĂ©dagogique et ta propre personnalitĂ©. Lorsque ton produit est une expĂ©rience au sein d'une communautĂ©, il y a un lien Ă©motionnel plus direct entre toi et tes "clients".
En tant que directeurs de programmes, on est encouragĂ©s Ă façonner la pĂ©dagogie comme bon nous semble en testant de nouvelles choses en permanence. Et câest souvent dans les petites attentions que la magie se crĂ©e et que lâexpĂ©rience devient vraiment personnelle. Ăa va de la musique que tu choisis pour prĂ©senter un invitĂ© aux blagues que tu glisses dans tes prĂ©sentations.
Le Writer Fellowship n'est pas un cours d'Ă©criture classique en dix leçons oĂč tout le monde doit suivre scrupuleusement les mĂȘmes Ă©tapes dans le mĂȘme ordre. Tu n'as pas dâessai Ă rendre Ă la fin du programme ou autre chose dans le style. On sâadresse Ă des personnalitĂ©s qui ont une certaine appĂ©tence pour entreprendre, faire des choses par elles-mĂȘmes et se fixer des objectifs spĂ©cifiques. Câest pourquoi on tient Ă avoir un programme flexible qui sâadapte aux ambitions de chacun.
Dâautant plus quâune approche "one size fits all" a cet Ă©cueil de crĂ©er une sorte dâarmĂ©e de clones qui Ă©crivent sur les mĂȘmes choses avec le mĂȘme style. Comment as-tu fait en sorte que le programme sâadapte Ă la personnalitĂ© de chacun ?
Une grande partie de la pĂ©dagogie sâattarde sur tous ces problĂšmes rĂ©currents qui nous touchent tous Ă diffĂ©rents niveaux et qui appartiennent au domaine de la psychologie. La plupart des crĂ©ateurs sont confrontĂ©s Ă la procrastination, au syndrome de l'imposteur, aux alĂ©as de motivation ou encore Ă la peur de partager son travail en public. Ă cĂŽtĂ© de ça, beaucoup de gens qui nous rejoignent n'ont aucune leçon dâĂ©criture Ă recevoir, dans la mesure oĂč ils Ă©crivent dĂ©jĂ trĂšs bien â mĂȘme si on a toujours une marge de progrĂšs. Ce dont ils ont le plus besoin, câest de se sentir soutenus, aidĂ©s et encouragĂ©s Ă surmonter leurs craintes et Ă©crire sur ce fameux sujet qui leur fait peur.
J'aime faire cette comparaison avec le Founder Fellowship. Il est trĂšs rare qu'un entrepreneur doive fermer sa start-up simplement parce qu'il nâa pas assez travaillĂ©. Par comparaison, il est plus courant pour un crĂ©ateur indĂ©pendant dâavoir des blocages qui lâempĂȘchent de produire du contenu de qualitĂ© sur la durĂ©e. Et ce que lâon veut crĂ©er, câest un environnement agrĂ©able qui aidera nos fellows Ă crĂ©er dans les meilleures conditions et atteindre leurs objectifs. Ceci dit, on veut aussi que lâexpĂ©rience On Deck soit propice Ă lâexploration. Il ne sâagit pas seulement de pousser chacun vers un objectif prĂ©dĂ©fini, mais Ă©galement de les exposer Ă dâautres modĂšles et dâautres voies possibles.
Rien ne me fait plus plaisir que de voir quelqu'un rejoindre le Writer Fellowship pour dĂ©velopper son blog, disons sur le bras de fer Ă©conomique entre les Ătats-Unis et la Chine, et qui, aprĂšs avoir rencontrĂ© des pairs qui Ă©crivent sur des sujets trĂšs personnels, dĂ©cide de se lancer dans un essai sur son expĂ©rience en tant que parent. Cela ne veut pas dire qu'il va arrĂȘter d'Ă©crire sur l'Ă©conomie, mais c'est une belle opportunitĂ© pour affĂ»ter sa plume et sâessayer Ă dâautres registres.
Aujourdâhui, le Writer Fellowship sâadresse essentiellement Ă des personnes qui veulent dĂ©velopper une audience autour de leur blog ou de leur newsletter. Mais Ă lâavenir, jâimagine que vous pouvez Ă©tendre le modĂšle Ă de nombreux autres univers comme l'Ă©dition, le cinĂ©ma, le journalisme, le stand-up ou mĂȘme la musique. Dans quelle direction aimerais-tu voir Ă©voluer le Writer Fellowship ?
Justement, câest en pleine rĂ©flexion. La bonne nouvelle, c'est que nous avons rĂ©ussi Ă attirer des talents qui viennent de plusieurs de ces univers. Il est dâailleurs probable que lâon commence Ă dĂ©velopper des programmes dâĂ©criture plus spĂ©cialisĂ©s d'ici un an ou deux. Notre seul impĂ©ratif, c'est dâĂȘtre capable de contribuer lĂ©gitimement Ă la rĂ©ussite des personnes quâon accompagne. Prenons un exemple tirĂ© de quand je voulais devenir auteur de fiction. Dans ma vie, j'ai suivi de nombreux ateliers d'Ă©criture, dont un Ă New York pas plus tard que lâan dernier. Et Ă cet atelier, tous les participants voulaient devenir romanciers. Ce jour-lĂ , j'ai regardĂ© autour de moi et je me suis dit que personne dans cette piĂšce ne serait jamais publiĂ©. Ce nâest pas du tout pour porter un jugement sur les ateliers dâĂ©criture. Seulement, jâai eu cette impression dâavoir payĂ© pour croire en mes rĂȘves le temps de quelques heures par semaine.
Pour en revenir Ă On Deck, pourrait-on lĂ©gitimement aider les gens Ă obtenir un contrat de publication en crĂ©ant un programme spĂ©cifique ? Je nâen suis pas convaincu, dans la mesure oĂč l'Ă©dition est une industrie sur le dĂ©clin. Reste que l'une des meilleures façons dâĂȘtre publiĂ© de nos jours est de construire une audience et de jouer cette carte pour signer un contrat de livre. Pour moi, crĂ©er un programme qui serait axĂ© sur la rĂ©ussite dans lâĂ©dition serait comme vendre un rĂȘve illusoire que la grande majoritĂ© des gens ne pourraient sans doute pas rĂ©aliser. Dâailleurs, les fellows qui rejoignent On Deck sont conscients quâils ne sortiront pas du programme avec une publication payante qui leur assurera 100% de leurs revenus. Loin de lĂ , le Writer Fellowship est pour eux une opportunitĂ© d'explorer, de donner de lâĂ©lan Ă leur carriĂšre, dâaccĂ©der Ă un nouveau rĂ©seau, et parfois aussi de monĂ©tiser des side-projects. Mais ce sont toujours des objectifs rĂ©alistes que nous pouvons les aider Ă atteindre.
Ăa a le mĂ©rite dâĂȘtre une approche honnĂȘte et humaine. J'Ă©tais simplement curieux de possibles Ă©volutions vers les arts quand j'ai vu que vous avez quelqu'un dans le Writer Fellowship qui Ă©crit de la poĂ©sie.
Exact ! Tu fais rĂ©fĂ©rence Ă Alysia Harris, qui est une poĂ©tesse incroyable qui a Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©e pour ses Ă©crits. Elle Ă©tait dans la premiĂšre cohorte du Writer Fellowship et nous a beaucoup inspirĂ©s pour la suite. Encore aujourdâhui, la grande majoritĂ© de nos fellows Ă©crivent principalement de la non-fiction. Ăa ne nous a pas empĂȘchĂ©s de proposer plusieurs ateliers dâĂ©criture crĂ©ative, dont un sur la poĂ©sie. Et ce que nous en avons retirĂ©, câest que mĂȘme si tu Ă©cris des essais politiques ou des analyses Ă©conomiques, il y a tant Ă apprendre d'un atelier de poĂ©sie. Encore une fois, lâidĂ©e nâest pas de devenir poĂšte du jour au lendemain. Mais c'est une excellente façon de sortir de sa zone de confort et de penser de façon plus originale. Et les retours quâon a reçus pour ces ateliers ont Ă©tĂ© trĂšs enthousiastes !
Tu prĂȘches un convaincu (rires) ! Je trouve quâil est essentiel de savoir diversifier aussi bien ce quâon lit que ce quâon Ă©crit pour trouver son propre style, lâaiguiser, mais aussi se renouveler. En tout cas, ton approche me fait penser Ă une autre interview que j'ai eue avec Li Jin en octobre dernier. Jâimagine que tu es familier avec sa thĂšse sur la passion economy qui me semble fondamentale pour comprendre les mutations actuelles autour des crĂ©ateurs indĂ©pendants. Alors jâaimerais bien savoir : quel avenir imagines-tu pour l'Ă©criture ?
Je pense que nous sommes Ă un point de bascule particuliĂšrement fascinant. Si les industries traditionnelles sont dans la tourmente, les gens lisent et Ă©crivent aujourd'hui plus que jamais. Ăa amĂšne son lot d'opportunitĂ©s, mais aussi de dangers. Aujourdâhui, je trouve que parmi les gens qui Ă©crivent, trop considĂšrent leur pratique de façon binaire : soit ils essaient d'en faire un emploi Ă plein temps, soit ce ne sera jamais plus qu'un passe-temps. Et du coup, beaucoup de crĂ©ateurs abandonnent assez vite leurs projets en cours de chemin.
Mais il y a tout un monde entre le plein-temps et le passe-temps ! Par exemple, je connais quelqu'un qui travaille dans la logistique de produits frais et qui tient un blog sur son industrie. Ăa lui a permis dâavoir des opportunitĂ©s de carriĂšre qu'il n'aurait probablement jamais pu avoir autrement. De plus, je suis trĂšs rĂ©ceptif Ă l'approche de la passion economy dĂ©veloppĂ©e par Li. Ceci dit, je pense que la distribution au sein de ces nouveaux modĂšles Ă©mergents nâĂ©chappera pas Ă une logique de loi de puissance. Substack a beau ĂȘtre une opportunitĂ© unique pour monĂ©tiser ses Ă©crits, la plupart des auteurs ne parviendront pas Ă vivre uniquement de leur publication payante.
Pour moi, ceux-ci devraient suivre la trajectoire que beaucoup de musiciens ont empruntĂ©e. Ces derniers ont dĂ» changer dâapproche et se considĂ©rer comme un produit, pour ensuite monĂ©tiser des fonctionnalitĂ©s comme la vente de billets de concert et de merchandising, les Ă©vĂ©nements privĂ©s ou encore le crowdfunding via des plateformes comme Patreon. Ce que je conseillerais aux nouveaux auteurs, c'est d'adopter une vision holistique de leurs Ă©crits pour trouver comment bundler et unbundler leur offre.
Aujourdâhui, la question n'est plus tant de chercher Ă faire de lâĂ©criture un mĂ©tier Ă plein temps que de mettre en place des stratĂ©gies pour dĂ©velopper des sources de revenus multiples autour de ses Ă©crits. Alors câest sĂ»r que câest dĂ©primant de se dire quâil y avait plus de personnes qui avaient un mĂ©tier Ă plein temps autour de lâĂ©criture en 1960 quâaujourdâhui. Mais ce quâil ne faut pas perdre de vue, câest que ces mĂȘmes personnes Ă©taient en majoritĂ© des hommes blancs issus de formations universitaires dâĂ©lite.
Tu as raison de le souligner, c'est un point trÚs important. Reste aux nouvelles plateformes à prouver qu'elles peuvent renverser cette situation. Pour finir sur une touche plus personnelle : quels sont tes projets d'écriture du moment ?
J'ai une newsletter hebdomadaire qui sâappelle My Super Secret Diary. Jâaime la prĂ©senter comme une publication sur "les startups, la littĂ©rature, la philosophie, l'histoire amĂ©ricaine, le sexe, la drogue et comment ĂȘtre en vie". Mais en rĂ©alitĂ©, jâĂ©cris sur tout ce qui me passe par la tĂȘte. Câest avant tout une façon de continuer Ă pratiquer et de partager mes rĂ©flexions avec les gens qui sont dans ma minimum viable audience. Je suis certain que de nouveaux projets ne tarderont pas Ă suivre. Mais pour l'instant, lâĂ©criture prend dĂ©jĂ une place assez importante dans ma vie avec le Writer Fellowship (rires).
Et câest dĂ©jĂ un projet fantastique ! On arrive Ă la fin de cette belle interview que jâaurais pu continuer encore longtemps (rires). En tout cas, câĂ©tait vraiment une conversation gĂ©niale et je suis heureux dâavoir eu accĂšs aux coulisses du Writer Fellowship. Alors encore un grand merci Ă toi, Max !
5 ressources sur lâĂ©criture sĂ©lectionnĂ©es par Max :
Six Rules for Writing â George Orwell : âUn grand classique par le grand maĂźtre de lâanticipation, tirĂ© de son essai Politics and the English Language.â
What I Did Not Learn About Writing in School â Eugene Wan : âUn tas de conseils dâĂ©criture gĂ©niaux, notamment pour trouver sur quoi Ă©crire â you donât find your niche; your niche finds you.â
On Writing: A Memoir of the Craft â Stephen King : âJâai beau ne pas ĂȘtre un inconditionnel de Stephen King, ceci est lâun des meilleurs livres jamais Ă©crits sur lâĂ©criture.â
Five Short Storie â Lydia Davis : âDes nouvelles trĂšs courtes par une vĂ©ritable experte qui mâa fait voir lâĂ©criture sous un nouveau jour.â
Writing Handbook â Julian Shapiro : âJe trouve ça fou quâune personne puisse Ă©crire autant de guides incroyables sur plein de sujets diffĂ©rents, mais Julian Shapiro lâa fait.â
đźÂ KNOWLEDGE IS POWER⊠Maintenant vous savez !
Conseil dâami : nâhĂ©sitez pas Ă bookmarker les lectures suivantes, qui sont⊠trĂšs denses !
DALL·E : Câest le nom de la petite sĆur de GPT-3 créé par OpenAI. Cette fois-ci, il est question dâutiliser lâune des intelligences artificielles les plus avancĂ©es au monde pour crĂ©er des images Ă partir de textes. Rien que ça !
Y(C) So Serious : En parlant dâOpenAI, je suis tombĂ© par hasard sur ce portrait fantastique de son CEO Sam Altman. Je prĂ©fĂšre vous prĂ©venir : câest (trĂšs) long et ça date de 2016, mais jâai appris plein de choses sur celui qui est avant tout connu pour ĂȘtre lâun des personnages phares de lâhistoire du cĂ©lĂšbre accĂ©lĂ©rateur Y Combinator.
Capitol abandonnĂ© : AprĂšs les Ă©vĂ©nements du 6 janvier Ă Washington, jâai lu beaucoup dâanalyses sur la fameuse âprise du Capitolâ. Plus encore que les messages sur les t-shirts et drapeaux arborĂ©s, un autre Ă©lĂ©ment symbolique ne doit pas ĂȘtre nĂ©gligĂ© dans cet Ă©vĂ©nement historique : lâomniprĂ©sence dâInstagram.
Câest notĂ© : Dans la vie, il y a ceux qui Ă©crivent des livres et ceux qui prennent des notes. Si comme moi vous prĂ©fĂ©rez lire de la fiction, sachez quâil existe de vĂ©ritables mines dâor de notes dĂ©taillĂ©es pour toutes ces non-fictions quâon ne cesse de vous recommander. Vous connaissiez peut-ĂȘtre Nat Eliason, cĂ©lĂšbre pour vendre une partie de son cerveau, mais laissez-moi vous prĂ©senter le ârabbit holeâ de Blas Moros.
đŁÂ PETITES ANNONCES⊠Missions freelances & CDI
Pour relayer une mission freelance ou une offre en CDI :Â benjamin.perrin.pro@gmail.comÂ
Chance cherche un(e) Content Manager.
The Galion Project recrute un couteau-suisse pour lancer sa nouvelle offre.
Happy Scribe cherche des plumes freelances adeptes de transcription.
GrowthMakers recrute un(e) Copywriter.
Kimaï cherche un(e) Rédacteur-trice freelance.
Chefclub est Ă la recherche dâun(e) Content Strategist passionnĂ©(e) de cuisine US.
đŁÂ MEANWHILE⊠Lâactu des lecteurs
Et vous, ils ressemblent Ă quoi vos projets du moment ? Ăcrivez-moi pour mâen parler et apparaĂźtre dans la prochaine Ă©dition.
Louis lance une revue sensible et curieuse du nom de ZaĂŻ ZaĂŻ.
Marie a publié son rapport des tendances social media 2021.
Antoine mâa fait dĂ©couvrir un beau projet : le DĂ©cameron 2020.
Lavinia et Laetitia font un café freelances sur la gestion du stress.
Clément a publié un article sur Jean-Marc Jancovici.
Valérie est passée de la pause travail à la pause fraßcheur.
Samuel a interviewé le fameux DHH.
Elise donne bientĂŽt un talk sur ses recettes dâĂ©criture.
DERNIĂRE CHOSEâŠ
Le mot de la fin de cette premiĂšre Ă©dition de 2021 ira Ă un ami et lecteur de la premiĂšre heure. Je voudrais donc dire un grand BRAVO Ă Alexis Minchella pour la sortie de son premier livre Freelance, lâaventure dont vous ĂȘtes le hĂ©ros aux Ă©ditions Eyrolles, que je vous invite Ă commander dans votre librairie prĂ©fĂ©rĂ©.
Ătant moi-mĂȘme un freelance qui se cherche encore, ce prĂ©cieux sĂ©same tombe Ă pic pour faire de cette annĂ©e celle de la confirmation. Et comme jâarrive Ă la fin dâune mission passionnante (dont je vous parlerai bientĂŽt !), je suis en ce moment Ă lâaffĂ»t de nouvelles collaborations sur des missions de conception-rĂ©daction, stratĂ©gie Ă©ditoriale et crĂ©ation de mĂ©dias de marques.
Vous pouvez me contacter sur Twitter, LinkedIn, en rĂ©pondant Ă cet e-mail ou en le transfĂ©rant Ă quelquâun que ça peut intĂ©resser. Et si vous nâavez rien Ă me proposer, vous pouvez aussi mâĂ©crire pour me dire ce que vous avez pensĂ© de lâĂ©dition. đ
Dâici la prochaine newsletter prĂ©vue Ă la fin du mois, prenez soin de vous et bien sĂ»râŠ
May the words be with you,
Benjamin
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