Dans ma dernière newsletter publiée en 2023, j’ai dit qu’il n’y aurait pas de rétrospective de fin d’année pour PWA. Et si ça ne tenait qu’à moi, ce serait vraiment le cas. Sauf que j’ai eu la drôle d’idée d’annoncer une édition spéciale avant de reprendre les interviews pour 2024. C’est alors la plume au pied du mur que je me suis lancé dans ce qui est en train de ressembler à… une rétrospective de début d’année !
Et puis, ça aurait quand même été dommage de s’en priver. Après tout, la rétrospective est un exercice que j’aime faire chaque année [cf. 2022 ; 2021 ; 2020]. J’y vois là une belle façon de créer des liens entre les éditions publiées, les plumes invitées, leurs récits de vie et les sujets qui leur tiennent à cœur. Ça donne également un certain aperçu de l’évolution de la ligne éditoriale de la newsletter — et donc des réflexions que je choisis de partager avec vous, chers lecteurs.
Ceci dit, je ne vais pas y aller par quatre chemins : 2023 n’est pas l’année où PWA aura fait décoller son nombre d’abonnés. Ce n’est pas non plus celle où mon petit média se sera réinventé dans différents formats. Après avoir considéré plus d’une fois l’idée de passer la publication en mode multijoueur, force est de constater que je reste attaché à ma partie en solo. Et si mon anti-ambition avec PWA m’a souvent joué des tours, elle m’a surtout permis de me concentrer sur ses plus beaux atours : sa programmation.
Je me souviendrai de 2023 comme une succession d’interviews peu conventionnelles. Comme une année marquée par des sujets que je n’aurais pas forcément imaginer aborder, par des conversations qui m’ont profondément questionné, mais surtout par des invités qui m’ont captivé par leurs engagements, leurs passions, leurs combats. L’intérêt de cette édition hors-série est justement de revenir ensemble sur tout ça.
Mais avant de se lancer, il me reste à vous souhaiter — parce qu’il est encore temps — une excellente année. J’espère d’ailleurs que 2024 a bien commencé pour vous. Et qui sait ? Peut-être que cette newsletter hors-série vous donnera des idées, des envies, de l’énergie, de bons souvenirs, et pourquoi pas de nouvelles pistes à explorer pour vos projets d’écriture, de cœur ou de vie.
Bonne lecture à vous,
Benjamin
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S’ouvrir à d’autres écoles de pensée
En 2023, un certain profil de plumes est revenu plus souvent que par le passé dans la newsletter : il s’agit des chercheurs. Si le milieu universitaire est parfois considéré comme ennuyeux pour certains et hors de portée pour d’autres, j’en ai eu un tout autre portrait grâce à deux invités en particulier.
Et ça a commencé dès ma première interview de l’année avec Timothée Parrique [cf. PWA #66]. L’économiste m’a expliqué son approche pour passer d’une thèse de 800 pages à un livre destiné au grand public. Son effort de vulgarisation (récompensé !) me semble d’autant plus crucial dans le cadre de son sujet de prédilection : la décroissance. Celui-ci a réussi le tour de force de mettre sous les projecteurs un courant économique hélas souvent moqué en dépit d’une littérature scientifique avérée. D’où l’enjeu de rendre l’écriture académique plus accessible afin de permettre au reste de la société de s’en emparer — surtout quand c’est pas gagné.
Mon autre édition coup de cœur sur la recherche était avec la docteure en histoire de la médecine Zoë Dubus [cf. PWA #71]. Nous sommes revenus ensemble sur le passé tumultueux et les perspectives d’avenir potentiellement radieuses de l’étude de substances presque aussi diabolisées que la décroissance : les psychédéliques. Le résultat est une édition dans laquelle j’ai la sensation d’avoir appris plein de choses. Et à l’heure où la santé mentale est sur toutes les lèvres, il est plus que temps de faire la chasse aux idées reçues autour de ces curieux outils d’observation du cerveau humain.
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Choisir ses leviers de désobéissance
Plus les années passent et plus j’ai l’impression que la politique prend une certaine place dans la newsletter. Je me demande parfois si c’est un passage oblige pour un média qui gagne en maturité ou si c’est entièrement de mon fait. Quoi qu’il en soit, c’est une évolution qui me plaît. D’autant plus que ça me permet de partager, à mon échelle, des idées qui ont pu m’amener à me questionner, à agir, et même à changer.
La métaphore de la cage dorée reprise par Olivier Lefebvre [cf. PWA #70] est l’une des notions que j’ai préféré aborder cette année. Notre interview a fait la part belle aux privilèges et à ce qui nous empêche souvent d’y renoncer. C’est une discussion qui invite à questionner ses propres dissonances cognitives — qu’on en ait conscience ou qu’on ait plutôt tendance à les refouler. Son parcours de vie offre d’ailleurs une certaine illustration de la diversion que peuvent représenter nos loisirs face à un travail qui nous dérange. Enfin, j’ai été sensible à sa réflexion sur le rôle ambivalent du doute : tantôt levier de changement, tantôt substitut à l’action, c’est selon.
Je suis également revenu avec Salomé Saqué [cf. PWA #69] sur les différences d’interprétations autour de la notion de “faire sa part” aujourd’hui. Là où certains vont systématiquement répondre “assez !” aux revendications portées par les jeunes générations, il me semble plus que raisonnable de se demander — sans culpabiliser et dans la limite de ses capacités — “est-ce que j’en fais vraiment assez ?” dans le contexte actuel. Nous sommes allés sur le terrain méconnu de la désobéissance civile : un levier politique (non-violent) autour duquel tout reste à inventer pour faire porter sa voix quand les recours démocratiques ne fonctionnent pas aussi bien qu’un 49.3.
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Préférer les nouveaux médias au grand brouhaha
Les médias ont souvent servi de toile de fond à de nombreuses interviews de PWA. En 2023, ils se sont retrouvés à deux reprises sur le devant de la scène. Tour à tour, il a été question des nombreuses dérives de ceux qui dominent le débat et — plus intéressant encore — des coulisses de l’émergence de nouvelles voix.
Albin Wagener [cf. PWA #72] a été le troisième chercheur invité dans PWA en 2023. Ce linguiste spécialiste de l’analyse de discours a consacré ses derniers travaux aux nombreux bavardages autour du climat. J’ai été très sensible à sa lecture du cycle de vie des mots dans l’écosystème médiatique. Car à force de petites phrases, de matraquage et de récupération politique, tout terme galvanisant d’un jour tend à se vider de toute substance pour devenir demain un “zombie en puissance”.
Marine Doux [cf. PWA #73] quant à elle, m’a rappelé une distinction essentielle dans le secteur des médias. Aujourd’hui, le problème n’est pas tant de faire naître de nouvelles voix — qui existent déjà — mais de les aider à s’inscrire dans la durée. Et dans un contexte de concentration sans précédent des médias et de crise à plusieurs visages du journalisme, c’est un enjeu majeur qui a des implications démocratiques bien au-delà des frontières du secteur.
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Oser changer de style de narration
Dans ma pratique de l’écriture, j’accorde une attention particulière à la musicalité. Rythme, rimes, échos, assonances, références : j’ai toujours aimé jouer avec les mots et leur sens. En 2023, il a aussi été question de musique, d’arts, mais aussi d’Histoires. Majuscule pluriel : la première pour celle des livres et des archives, la seconde pour le récit personnel. La bonne nouvelle pour PWA, c’est que les interviews se prêtent particulièrement bien à ces deux formats.
Le commissaire d’exposition François Gautret [cf. PWA #68] m’a parlé d’Histoire avec le grand “H” du hip-hop. Du Bronx au XIXème arrondissement de Paris, en passant par les JO et la Philharmonie, notre interview a fait des allers-retours entre les temps forts du mouvement et ceux de sa propre vie. Cela m’a également permis de mettre à l’honneur un média que je n’avais pas encore exploré jusqu’à présent : l’événement.
D’une édition côté coulisses, je suis passé à l’écriture pour la scène avec Marvin Parks [cf. PWA #74]. C’est en allant à la rencontre de ce musicien croisé dans le métro que j’ai découvert son univers entre le jazz de Nat King Cole, le stand-up à l’américaine et l’appel du streetwear. J’ai été à la fois captivé par son histoire personnelle et inspiré par sa façon de mêler art, média et entrepreneuriat.
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Reconsidérer les frontières de l’intime
En première ligne des sujets que je préfère aborder en interview, il y a les tabous. Je pourrais presque parler de (bons !) marronniers tant leur présence est récurrente chaque année. Le cru 2023 ne fait pas exception grâce à deux plumes aux différences d’approche, de style et de sujets très marquées. Reste que la puissance d’évocation de leurs récits respectifs m’a donné envie de les rapprocher.
L’air de rien, une petite fierté de 2023 sera d’avoir publié une édition spéciale (anti) Saint-Valentin... sur le célibat. J’ai été marqué par le récit de Marie Koch [cf. PWA #67] autour de la complexité de publier un livre comme Vieille Fille. Je n’avais jamais recueilli de propos aussi forts sur cette sensation de mise à nu que peut représenter l’écriture sur l’intime. L’autrice a également souligné une nuance à mes yeux essentielle : on peut avoir le sentiment d’avancer à grands pas dans sa déconstruction intellectuelle, mais le processus sera toujours plus lent sur le volet émotionnel.
Enfin, ma dernière interview de 2023 a fait la lumière sur l’invisible grâce à Alice Devès [cf. PWA #75]. Au-delà de montrer un nouveau regard sur le handicap, notre échange invite à reconsidérer l’étendue des situations qu’il représente — et qui concernent pas moins de 9 millions de personnes en France. Prendre conscience de ces ordres de grandeur me semble fondamental pour réaliser à quel point le sujet est un grand enjeu de société. Enfin, je suis ravi d’avoir conclu l’année par une interview entre récit de vie, combat politique et écriture thérapeutique.
→ À garder en 2024 : un outil pour mettre des mots plus précis sur ses émotions
DERNIÈRE CHOSE…
PWA est une newsletter sur l’écriture et au-delà. C’est un média sur la rencontre, sur la curiosité, sur les différences, sur les autres. Je ne l’ai pas pensé comme un moyen de me mettre en avant. Pour autant, une de mes bonnes résolutions de 2024 est de moins me reléguer au second plan. Cette démarche va de pair avec une autre initiative que j’avais déjà envisagé l’an dernier avant de me raviser suite à des difficultés personnelles et problèmes de santé : monétiser (enfin !) le projet. Un jour.
Pour tout dire, j’ai même hésité à annoncer dès cette édition la possibilité de me soutenir — en une fois ou tous les mois. Mais force est de constater que je ne suis pas encore tout à fait prêt. J’ai envie de prendre le temps de faire les choses bien, de réfléchir à de chouettes contreparties, mais aussi de gérer ma petite vie de plume en freelance à côté. Et sur ce dernier point, l’année 2023 m’a aidé à y voir plus clair sur ce que je préfère, à savoir l’UX Writing et le coaching de créateurs de médias. Si vous avez envie de discuter avec moi de ces sujets ou de toute autre chose, vous savez où me trouver : → benjamin.perrin.pro[a]gmail.com
D’ici à la prochaine édition (dans quelques jours !), un grand merci à vous et surtout…
May the words be with you,
Benjamin
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Elle fait plaisir cette rétrospective, très sympa cette mise en perspective éditoriale des différentes interviews ! Et très bon choix également le GIF Zelda, le jeu aurait clairement pu figurer dans ma rétrospective à moi haha