C’est avec une certaine émotion que je prends la plume aujourd’hui. De la joie plus précisément. Car ce mois-ci, Plumes With Attitude fête ses trois ans !
Forcément, la première chose qui me vient en tête, c’est de vous remercier, que vous soyez parmi les lecteurs de la première heure ou que vous veniez tout juste d’arriver. Un grand merci également à la soixantaine de plumes que j’ai eu l’immense plaisir d’interviewer au cours de la jeune histoire de ma chère newsletter.
Comme je le disais dans la dernière édition, mon défi du mois aura été de trouver l’invité avec qui fêter cet anniversaire comme il se doit. Et plus qu’un nom, je suis heureux d’avoir trouvé un thème dont je n’ai pas assez parlé à mon goût dans PWA : le climat. Car s’il y a bien un combat dans lequel l’écriture peut changer nos vies, c’est celui de notre propre survie. À condition bien sûr de passer de la plume aux actes.
Je reconnais que je n’ai pas forcément choisi de fêter cet anniversaire dans la légèreté. Mais à l’heure où les médias doivent plus que jamais prendre leurs responsabilités dans leur traitement de l’urgence climatique, j’ai voulu profiter de ce moment spécial dans la (sur)vie de ma publication pour donner la parole à un lanceur d’alerte un peu particulier. Le résultat est l’une des interviews dont j’ai été le plus fier de publier.
Bonne lecture à vous,
Benjamin
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🎙 INTERVIEW… Thomas Wagner (Bon Pote)
À chaque newsletter, je vous propose de découvrir le portrait et les idées de véritables plumes “With Attitude”. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Thomas Wagner, créateur du média Bon Pote sur l’urgence climatique, sniper du greenwashing sur les réseaux sociaux, et plus récemment co-auteur du livre Tout comprendre (ou presque) sur le climat publié aux éditions du CNRS. Ses écrits font partie de ceux qui m’ont le plus influencé cette année. Alors le temps d’une interview, je vous invite à entrer dans la tête d’une plume engagée dans le combat du siècle : nous faire sortir de l’inaction climatique.
Hello Thomas et merci d’avoir répondu à l’invitation ! Depuis le début de Plumes With Attitude, j’ai eu l’occasion de recevoir un certain nombre de créateurs de médias indépendants. Et il y a une question que j’aime beaucoup poser en début d’interview : celle du choix du nom de leur projet. Alors pour commencer, pourquoi “Bon Pote” ?
Pour tout dire, ça fait un moment que je cherche à changer de nom. Mais au final, tout le monde s'y est fait. Même le CNRS a accepté de faire équipe avec un type qui s’appelle “Bon Pote”. Comme quoi tout est possible dans la vie ! (rires)
L’idée de base de Bon Pote, c’était de prendre un sujet de société, de faire des recherches poussées, puis de publier ce que j’en avais retenu, le tout entre 5 et 10 minutes de lecture. Au début, j’étais sur des thématiques assez généralistes. C’est en 2019 que j’ai décidé de me concentrer sur l’urgence climatique — notamment parce que je trouvais qu’on n’en parlait pas assez dans les médias traditionnels.
L’esprit de Bon Pote, c’est d’agir en bon samaritain avec une information claire, concise et documentée. D’ailleurs, j’aurais préféré “Bon Samaritain” mais c’était déjà pris. J’ai bien aimé ce qu’Hélène Binet, directrice de l’incubateur Make Sense, m’a dit à ce sujet : à savoir qu’elle voyait Bon Pote comme l’ami qui ose te dire ce qui est difficile à entendre.
Figure-toi que j’y avais pensé, mais j’avais aussi une autre théorie sur la question. Je me suis demandé s’il n’y avait pas une pointe d’ironie dans le choix du nom. Et pour cause : tu es réputé pour avoir un style assez tranchant qui contribue au fait que tu as un certain nombre de détracteurs. Perso, je te vois plus dans le rôle du “bad cop” que dans celui du “good cop” — un parti pris osé que je trouve très intéressant.
Ça ne me dérange pas de jouer ce rôle. Je suis conscient que d’autres personnes ont des approches plus bienveillantes, mais je suis là avant tout pour discuter de faits scientifiques établis. Et sur ce point, il n’y a pas de sujet. Que ça nous plaise ou non, tout doit changer dans nos vies. Mon rôle, c’est de poser un constat avec deux issues possibles. Soit on ne change rien et on accepte les mégafeux, inondations et températures à 50°C — ce qu'on aura sans changement d'ici 2050. Soit on essaye de changer dans notre quotidien et on lutte pour éviter que cela devienne la norme.
Sur ton site, tu mets l’accent sur la connaissance de certains chiffres pour savoir comment passer à l’action. Je pense notamment à l’empreinte carbone (9,8 tonnes de CO2 émises par Français en moyenne) et à l’objectif à atteindre pour 2050 (2 tonnes max par personne), mais aussi aux différents ordres de grandeur qui impactent son calcul. Comme on est dans une newsletter sur l’écriture, je te propose pour l’instant de rester sur les mots. Après tout, c’est aussi ce que les gens ont tendance à retenir et répéter : que ce soit les petites phrases des politiques comme “la fin de l’abondance”, les noms d’oiseaux comme “ayatollah vert” ou les concepts à l’emporte-pièce comme “écologie punitive”. Alors pour toi, quelles sont les notions les plus importantes à retenir autour de l'urgence climatique ?
Il y en a une dont on ne parle pas assez mais qui me semble pourtant essentielle : l’éthique. C’est ce qui m’a fait changer de métier et choisir de passer tout mon temps sur la question de l'urgence climatique. L’éthique, c’est se demander à quel point nous, Occidentaux, sommes capables de changer pour que les habitants de pays plus sévèrement touchés puissent survivre à tout ça. Et quand tu prends l’exemple du drame que traverse le Pakistan, je me dis qu’il n’y a aucune exagération dans le fait de parler de survie. Les gens qui meurent par milliers à cause du changement climatique, ça a lieu aujourd’hui — pas seulement demain. On ne peut plus le nier ou faire semblant. Donc soit on l’accepte et on laisse faire, soit on change.
C’est aussi une question de bien-être. Quand tu vois par exemple le stress, le bruit et la pollution engendrés par la circulation à Paris et dans d’autres métropoles, c’est juste un enfer. Et on gagnerait toutes et tous à ce que ça change, ne serait-ce que pour notre santé. Il y a une étude de Kévin Jean et Philippe Quirion qui vient de sortir sur les potentiels gains sanitaires et économiques d'une transition énergétique dans les transports. D’ailleurs, ceux qui parlent d’écologie punitive devraient se poser la question de ce qui est le pire entre passer de 130 à 110 km/h sur l’autoroute ou avoir des températures allant jusqu’à 45 voire 50°C pendant l’été.
Je pensais aussi à un mot que j’ai découvert sur Bon Pote : le whataboutisme [“technique ou pratique consistant à répondre à une accusation ou question difficile en faisant une contre-accusation ou en évoquant un problème différent”]. Et je dois dire qu’une fois que tu as cette notion en tête, tu la vois absolument partout.
Oui, ça fait partie des douze excuses de l'inaction climatique — un article de Bon Pote dont je recommande la lecture à quiconque. Et c’est vrai qu’une fois que tu les as en tête, tu ne passes plus un dîner de famille, regardes les infos ou analyses les discours des politiques de la même façon.
Justement, j’avais remarqué que c’est un article que tu mets particulièrement en avant sur ton site. Pourquoi celui-ci en particulier ?
Il y a deux raisons. Il faut savoir que la base théorique ne vient pas de moi mais d’une étude publiée en juin 2020 par l'université de Cambridge. Les chercheurs — dont certains sont auteurs du rapport du GIEC — ont fait un travail passionnant qui synthétise certaines des réflexions que j’ai pu avoir sans pour autant parvenir à les connecter entre elles.
C’est une lecture qui m’a beaucoup marqué et j’ai eu envie d’écrire sur les douze discours en question. Comme je voulais apporter ma pierre à l’édifice, je me suis dit que j’allais trouver les arguments pour y répondre et les démystifier. C'est devenu un article structurant qui a donné une certaine visibilité à Bon Pote. Et alors que j’écrivais encore sous l’anonymat à l’époque, plusieurs scientifiques m'ont écrit en privé — sans savoir qui j’étais — pour me remercier de l’avoir publié.
La deuxième raison, c’est que le climat a aujourd’hui de nouveaux ennemis. Je ne parle pas des climato-sceptiques, qui sont toujours là mais ont moins d’audience que par le passé. Et s’ils sont toujours invités sur le plateau de CNews, ils se font systématiquement recadrer sur les réseaux sociaux. Ces nouveaux ennemis du climat, ce sont les climato-rassuristes.
Pour eux, il n’y a rien à changer dans notre façon d’agir et de penser, dans la mesure où la technologie va nous sauver. En l’occurrence, le gouvernement Macron a longtemps méprisé la sobriété jusque très récemment, allant jusqu’à la comparer à un truc d’amish. Et comme les discours climato-rassuristes sont partout, il me semble plus important que jamais de savoir comment y répondre.
Dans mes rêves les plus fous, tous les Français auraient en tête les douze excuses de l’inaction climatique, ainsi que les principaux ordres de grandeur autour de l’empreinte carbone et ses objectifs. Si c’était le cas, les débats ne seraient plus du tout les mêmes. Ça commencerait par des journalistes qui reprendraient systématiquement les politiques qui racontent n’importe quoi. Et ça me semble d’autant plus important à l’heure où notre ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, nous encourage à arrêter d’envoyer des mails avec pièces jointes à nos amis mais considère que le débat sur les jets privés n’a pas lieu d’être.
Ce que je trouve génial avec cet article, c’est la grille de lecture qu’il offre pour filtrer ce que tu peux entendre chaque jour — comme une sorte de jurisprudence. Et ça me fait penser que le socle de ton discours sur l’urgence climatique repose sur un concept-clé : l’exemplarité. Reste qu’en tant qu’êtres humains, on a toutes et tous nos défauts et contradictions. Alors je me demandais, quelle est ta marge de tolérance face à nos limites et imperfections ?
Je l’ai dit et répété : la pureté militante est selon moi un danger. Ça ne sert à rien de tomber sur quelqu'un qui a pris l'avion une fois ou vient de publier une photo de son burger. Mon rôle, c’est de m’appuyer sur des travaux scientifiques pour dire ce qui va arriver si on ne fait rien, de donner des ordres de grandeur pour prendre conscience de la gravité de la situation, et de proposer des axes d’amélioration à toutes celles et ceux qui veulent changer.
Pour cela, l'exemplarité est un excellent vecteur de communication. De nombreuses études scientifiques ont prouvé qu’elle aide à faire passer des messages efficacement. Ça te permet notamment d’éviter les attaques ad hominem, c’est-à-dire celles qui s’en prennent au messager pour contrer ses idées. Après tout, comment peut-on espérer être crédible en parlant de réduire son empreinte carbone alors qu’on a un jet privé ?
Il y a deux choses qui m'horripilent : l'hypocrisie et le greenwashing. Quand je vois des digital nomads qui se disent soucieux de la planète et font des allers-retours à Bali tous les week-ends, je ne peux pas m’empêcher d’intervenir pour pointer du doigt leurs incohérences. À noter que j’ai pour principe de commencer par leur écrire en privé et que je reste toujours courtois malgré mon agacement.
Quant aux entreprises ou nos institutions qui font du greenwashing, il me semble essentiel de rappeler que cela conduit à l’inaction climatique et que celle-ci est criminelle. Il revient donc aux personnes à leur tête de se responsabiliser — même si je préfère interpeller les entreprises plutôt que leurs employés. Ceci dit, j’ai beaucoup moins de retenue quand ce sont des responsables politiques qui racontent n’importe quoi, pour la simple et bonne raison qu’ils se moquent du monde et qu’en face il y a des gens qui souffrent.
La lutte contre le réchauffement climatique devrait tous nous concerner, ne serait-ce que parce qu’on en subira tous tôt ou tard les conséquences — bien que dans des proportions différentes. Reste que pour Bon Pote, tu as choisi un ton assez incisif et une ligne éditoriale que certains considéreront comme radicale. J’imagine que tu as pu te rendre compte que ton approche ne marche pas avec tout le monde, mais l’as-tu déjà remise en question ?
Je le fais même tous les jours, matin, midi et soir. Je suis conscient qu’il y a parfois eu des ratés dans ma façon de communiquer, mais c’est quelque chose que j’ai tendance à relativiser. Un jour, j’ai reçu des menaces de mort après avoir dit qu’il fallait baisser la vitesse sur l’autoroute à 110 km/h. Juste pour ça, tu imagines ? Face à ce genre de personnes, je ne pense pas que ça aurait changé grand-chose de l’avoir dit d’une façon plus bienveillante.
Après, je me “rassure” en disant que ça fait partie de la minorité bruyante d’hommes — car ce sont toujours des hommes — qui se permettent absolument tout sur les réseaux sociaux. À côté de ça, je ne me suis jamais fait insulter dans la rue et 99,9% des messages que je reçois en privé sont agréables à lire. Donc je pense qu’il faut aussi prendre ces éléments en considération avant de juger. Et puis, j’ai beau avoir une certaine tendance au sarcasme, je ne prends pas les gens pour des cons — contrairement à ce que fait notre gouvernement.
Et si mon approche ne plaît pas toujours dans la forme, c’est plus difficile de réfuter mes arguments sur le fond. Je passe beaucoup de temps à chercher et vérifier mes sources pour étayer mon propos. Et je trouve ça important de rappeler que toutes proviennent de publications scientifiques. En quatre ans, je n’ai encore trouvé personne qui a su démontrer objectivement que ce que j’écris est faux. Bien sûr, c’est déjà arrivé qu’on m’encourage à nuancer ou à aller plus loin sur un argument ou un calcul donné. Et ces retours sont les bienvenus, dans le sens où ils me permettent de progresser.
J'ai écrit un article que je trouve fondateur pour Bon Pote : Et si les écolos avaient autre chose à faire que vous emmerder ? — et que je ferais bien de mettre sur la page d'accueil. Mine de rien, c’est vraiment un message que j'essaye de faire passer. Quand je me lève le matin, je ne me dis pas “tiens, allons dire à Jean-Michel de se calmer sur la viande ou l’avion” juste pour le plaisir. Quand j’interpelle des gens sur les réseaux sociaux, c’est parce que je connais les conséquences de l’inaction climatique et que je n’ai pas envie qu’on les subisse. Je pourrais même dire ça très égoïstement étant donné que je vis à Paris et que je n’ai pas envie de me taper des étés à 50°C dans quelques années.
Enfin, c’est inévitable de se faire tomber dessus quand on parle de remettre en cause le système dans lequel on vit. L’avion, la viande ou la voiture sont des sujets sensibles pour beaucoup de gens. Quelqu’un qui s’énerve quand on lui dit de réduire l’une de ces trois habitudes doit admettre que la fragilité est de son côté, pas de celui des arguments scientifiques qui démontrent l’impact de ces pratiques sur le réchauffement climatique.
Il faut d’ailleurs préciser qu’il y a aussi beaucoup de gens (moi le premier !) sur qui ton discours marche. Et comme tu le disais plus tôt, cela inclut un certain nombre de chercheurs et de représentants de la communauté scientifique. Tu viens d’ailleurs de publier un livre, Tout comprendre (ou presque) sur le climat, avec Claire Marc, qui est médiatrice scientifique, en compagnie d’Anne Brès et Jean-François Doussin, qui travaillent tous deux au CNRS. Peux-tu me parler de la genèse de cette collaboration ?
Le point de départ, c’est un constat du CNRS et de plusieurs chercheurs qui ont observé une recrudescence des discours climato-sceptiques en ligne. Pour contrecarrer cette tendance, ils ont cherché de nouvelles façons originales de communiquer sur le climat. Je faisais partie des personnes avec qui ils avaient envie de collaborer et ça les a amenés à me proposer de publier des articles ensemble.
L’idée, c’était que je travaille en binôme avec des scientifiques sur des problématiques spécifiques. J’ai eu la chance de faire équipe avec des experts de premier plan, par exemple le paléoclimatologue Jean Jouzel sur les différences entre météo et climat. Je m’occupais de la rédaction des articles et eux de la validation scientifique du contenu.
Quand on a commencé cette collaboration début 2021, on n’avait pas du tout prévu d’en faire un livre. C’est venu au fur et à mesure et on s’est mis d’accord pour résumer en vingt chapitres toutes les questions essentielles autour du climat. L’idée, c’était de réunir tous les arguments pour expliquer que le réchauffement climatique est bien d’origine anthropique [causé par l’activité humaine].
Depuis sa sortie en début d’année, le livre est un succès en librairie et on vient d’apprendre qu’il sera traduit dans plusieurs langues. Je suis très fier de notre collaboration et c’est un vrai plaisir de lire chaque jour des messages enthousiastes de personnes qui nous remercient pour notre travail. Certaines ont même parfois acheté plusieurs exemplaires pour les offrir à leurs proches.
C’est génial ! Et mine de rien, je trouve qu’il y a eu quelques avancées récemment. Je pense notamment à un grand acteur du service public, Radio France, qui vient d’annoncer le plan d’action de son tournant environnemental. Il y a aussi eu l’indignation sur les réseaux sociaux autour de la couverture médiatique des épisodes de canicule cet été, ainsi que la création d’une charte “pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique” [qui sera publiée le 14 septembre]. Ça m’évoque une autre notion sociologique dont je n’ai découvert le sens précis que très récemment dans Bon Pote : le point de bascule. Cela correspond au seuil [estimé à 10%] à partir duquel une minorité engagée peut entraîner la majorité silencieuse dans l’adoption de nouveaux comportements. Alors je me demandais : atteindre ce point de bascule pour la lutte contre le changement climatique le plus rapidement possible, c’est ça ton objectif premier avec Bon Pote ?
Je veux contribuer à faire en sorte que les politiques ne puissent plus passer à travers les sujets du climat et de la biodiversité. Et ça implique effectivement qu’un certain pourcentage hétérogène de la population n’accepte plus le statu quo. Donc oui, c’est clairement l’un de mes objectifs. Après on me dit souvent qu’avoir plus de 100 000 followers sur les réseaux sociaux est une réussite pour Bon Pote. Alors certes, c’est une bonne chose. Mais je trouve ça négligeable comparé à l’audience de personnalités comme Nabilla, qui est suivie par 7 millions de personnes sur Instagram. Autant dire que j’ai encore du chemin à faire.
Au-delà de ça, je ne suis pas quelqu’un de spécialement optimiste. Disons que je suis plutôt réaliste, dans le sens où je me méfie des effets d’annonce et attends surtout les actes — que je ne vois hélas pas arriver. Aujourd’hui, j’ai surtout en tête que le gouvernement fait n’importe quoi, que les trois prochains hivers me font peur, et que je suis encore moins rassuré quand je pense aux élections de 2027.
Reste que j’ai signé la charte que tu évoquais. J’attends de savoir qui seront les autres signataires à mes côtés — et surtout de voir si les rédactions vont vraiment bouger. Côté politique, Valérie Masson-Delmotte, l’une des plus grandes spécialistes du climat en France et coprésidente du groupe n°1 du GIEC, vient tout juste de former les membres du gouvernement sur l’écologie. Donc je ne pense pas qu’il y ait un manque d’information sur le sujet, plutôt un manque de volonté.
Ça m’évoque une phrase qui m’a particulièrement marqué dans un de tes articles, Le monde des écologistes ne fait pas rêver. Je cite : “Vendre du rêve c'est important, mais c'est encore plus important de sortir d'un cauchemar éveillé”. Et je reconnais qu’il est déjà difficile d’être optimiste au sujet du climat quand on n’y connaît pas grand-chose, mais que cela doit être encore plus dur quand on travaille dessus au quotidien. Néanmoins, je tenais à te demander : qu’est-ce qui te donne l’espoir et la force de continuer à te battre au jour le jour face à l’inaction climatique ?
Je vais citer une femme dont j’admire les écrits : Corinne Morel d'Arleux, qui a publié Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce. Celle-ci dit “qu'on ne se lance pas dans un combat parce qu'on est sûr de gagner, mais parce qu'il est juste”. C’est une phrase qui m’a beaucoup influencé dans la façon dont je perçois mon activité. Ce que je fais avec Bon Pote, je ne le fais pas parce que je pense que tout va s’arranger, mais parce que j’en ai les moyens moraux et financiers. Et puis, je sais que des millions de personnes en France (et des milliards à échelle mondiale) vont souffrir du réchauffement climatique. Et en cela, je sais que c’est juste de chercher à ralentir ça.
Enfin, il y a un mot que je n’ai pas cité en début d’interview mais qui est essentiel à mes yeux : c'est le refus de parvenir. Ça se traduit grossièrement par le fait de vouloir réussir, mais sans pour autant chercher à écraser les autres. C'est ce que j'essaye de faire avec Bon Pote. Avant ça, je travaillais en finances et il me serait juste impossible d’y retourner pour des questions d’éthique personnelle. C’est d’ailleurs un discours que je vais pousser cette rentrée à des étudiants de première et deuxième années dans des écoles de commerce et d’ingénieurs.
Pour moi, ça n’a aucun sens aujourd’hui de vouloir être milliardaire ou de se lancer dans l’entrepreneuriat pour chercher à créer une licorne. Je trouve ça complètement à côté de la plaque et antinomique par rapport à tous les enjeux de notre époque. Les rêves et ambitions des jeunes générations doivent tenir compte de l’urgence climatique et de l’effondrement de la biodiversité. Car hélas, c’est ce qui va régir l’avenir du monde dans lequel ils vivront dans les décennies à venir.
Je trouve que c’est une initiative essentielle, que j’aurais d’ailleurs aimé entendre dix ans plus tôt alors que j’étais encore étudiant. En tout cas, je te dis un grand merci Thomas pour cette conversation. Je suis très heureux de consacrer l’édition des trois ans de la newsletter à un sujet aussi essentiel. J’invite d’ailleurs tous les lecteurs à jeter un œil à tes articles cités dans notre conversation. De mon côté, je vais continuer à suivre Bon Pote avec attention et je te dis à très bientôt.
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