À la veille du premier anniversaire de la newsletter, je suis plus enthousiaste que jamais au moment de publier cette nouvelle édition. J’ai comme l’impression d’avoir écrit le dernier paragraphe du premier chapitre de Plumes With Attitude.
Et c’est une entrée en matière qui m’a beaucoup plu.
Je suis heureux d’avoir raconté les aventures de la vingtaine de personnages qui a croisé mon chemin. Ça a d’ailleurs été un plaisir de découvrir et rencontrer de nombreux lecteurs et lectrices en cours de route. J’ai aussi beaucoup appris en empruntant la bifurcation inattendue de Black Swans Collection. Enfin, je suis fier d’avoir tenu mon rythme de publication — certes un peu relâché cet été 🙊 — pendant toute une année.
Dans cette édition, j’ai choisi de vous emmener dans une nouvelle direction. Car aujourd’hui, il ne sera pas tant question de mots que… de sons. Je vous invite à découvrir des disciplines pas si éloignées de l’écriture et de la curation : le DJing et la production musicale.
Alors place à l’abstraction !
Bonne lecture à vous,
Benjamin
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🎙 INTERVIEW… Kabylie Minogue
Pour la première fois depuis la création de la newsletter, j’ai reçu deux invités pour une même interview. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce sont des plumes un peu particulières. Jad et Kheireddine (de gauche à droite sur la photo) sont tous deux DJs. Le premier vient du monde de l’édition, l’autre de la finance. Aujourd’hui, ils sont à plein temps sur leur projet artistique : Kabylie Minogue. Depuis 2018, le duo franco-algérien connaît un succès croissant et je suis très fan de ce qu’ils font aussi bien sur scène qu’en studio.
Salut les gars et merci beaucoup d’avoir répondu à l’invitation. J’ai très envie de commencer l’interview par une question qui me démange : d’où vient ce nom génial de “Kabylie Minogue” pour votre duo ?
Jad : Notre toute première date était une soirée d’entreprise. À l’époque, on n’avait pas encore de nom de scène et notre set était constitué de titres du top 50 des années 90-2000. On avait prévu de jouer un titre de Kylie Minogue. Sauf que pour générer la tracklist, le correcteur orthographique du Mac de Kheireddine a remplacé “Kylie” par “Kabylie” — qu’il devait sans doute avoir plus l’habitude d’écrire (rires). On ne s’en était pas rendus compte sur le coup, mais ça nous a bien fait rire quand on l’a vu. Et comme on n’avait pas encore trouvé de nom pour notre duo, on a décidé de le garder.
Génial comme anecdote, merci Apple (rires) ! Aujourd’hui, vous êtes tous les deux sur votre projet musical à plein temps, mais ça n’a pas toujours été le cas. Comment s’est faite cette transition entre vos métiers précédents et votre activité de DJs ?
Kheireddine : Quand j’ai démissionné de mon poste en finance, je n’avais pas du tout prévu d’aller vers la musique. J’avais beau être attiré par la production, devenir DJ n’était pas forcément dans mes projets. Ce que je recherchais, c’était du sens et aussi du temps pour m’investir dans quelque chose qui me ferait kiffer. Alors j’ai commencé à explorer le DJing et la production avec Jad étant donné qu’on était colocs à ce moment. Et c’est en faisant un peu de musique tous les deux que j’y ai trouvé du plaisir et que j’ai décidé de m’investir davantage.
Jad : De mon côté, j’avais mon job dans l’édition jusqu’au mois de juin de cette année. Travailler à côté de notre projet a apporté à ma vie une structure nécessaire. Parce que c’est génial de se lancer dans un projet musical à plein temps, mais c’est aussi à double tranchant. Un set qui se passe mal ou une date annulée, ça va beaucoup t’affecter si tu ne comptes que sur ça. Et je ne parle même pas du Covid-19... En fait, tu vas vraiment te retrouver dépendant de facteurs sur lesquels tu n’as aucun contrôle. J’avais beau avoir moi aussi des frustrations dans mon travail, ça m’apportait l’équilibre dont j’avais besoin. Et du coup, avoir une date programmée était une vraie bouffée d’oxygène. J’ai démissionné le jour où je ne pouvais plus concilier les deux emplois du temps et que Kabylie Minogue a commencé à bien marcher. Après, je ne suis pas contre l’idée de retrouver un petit job à mi-temps qui puisse me donner à nouveau un certain équilibre.
Avez-vous transposé certains des codes de l’entreprise à votre activité ou avez-vous plutôt cherché à vous en affranchir ? Je pense notamment à la définition d’objectifs ou à la mesure de votre performance, de votre productivité. Par exemple, est-ce que vous vous imposez un certain nombre d’heures de pratique par jour ? Ou un objectif hebdomadaire de découverte de tracks exploitables pour vos sets ?
J : J’ai tendance à réutiliser certains réflexes pros dans le projet. Je m’organise essentiellement par plages horaires dans mon agenda. Par exemple, je vais mixer les mercredis après-midis et consacrer les jeudis matins à la découverte musicale. Ça marche particulièrement bien pour tout ce qui n’est pas de la production, qui va davantage être influencée par mon humeur et à ma créativité du moment. Ça m’arrive d’écouter de la musique au casque à minuit et de tomber sur une track qui va m’inspirer pour une production… et donc me tenir éveillé pendant trois heures. Alors oui, ça va faire sauter tout ton planning du lendemain (rires). Mais d’un autre côté, tu vas mieux connaître ton rythme naturel et les conditions qui vont t’emmener vers ces moments de “flow”. Il faut donc prévoir l’éventualité de ces aléas pour trouver le bon équilibre entre rigueur et créativité.
K : Trouver mon rythme s’est avéré particulièrement difficile pour moi. Après mon expérience en banque, j’ai voulu fuir le monde de l’entreprise et ses codes. Ça a vraiment dû me traumatiser parce que j’ai eu beaucoup de mal par la suite à respecter un planning défini (rires). Du coup, j’avais fini par prendre l’habitude de vivre en décalé, notamment vis-à-vis de Jad qui avait encore son taf à l’époque. Mais au début, ça a été difficile de savoir comment se comporter face à ce fameux pic de créativité nocturne. Est-ce que tu dois suivre ton “flow” jusqu’au bout, même si ça t’emmène jusqu’à 6h du mat’ alors que ton planning commence à 10h ? À l’inverse, est-ce que c’est toujours une bonne chose de se lever pour être à l’heure et ne pas culpabiliser, quitte à être fatigué toute la journée ? Et comme mon métier d’avant était millimétré jusqu’au poil de barbe près (littéralement !), ça a été d’autant plus difficile de trouver une nouvelle limite, d’arbitrer entre ce que je devais garder et ce que je devais changer.
C’est une comparaison qui peut s’étendre au sport de compétition, avec une certaine récurrence dans les entraînements ou encore le fait de surveiller son alimentation et son sommeil.
K : C’est là que le fait d’être une équipe m’a beaucoup aidé. Avec Jad, on se définit des objectifs à l’année pour Kabylie Minogue et on réfléchit aux moyens à mettre en place pour les atteindre. Et c’est très structurant de les avoir en tête au jour le jour. Et puis, il y a quand même pas mal d’acquis pros qui m’ont aidé à avancer, comme le fait d’avoir développé un certain esprit d’analyse et une approche spécifique de la résolution de problèmes. C’est souvent inconscient, mais c’est aussi ça qui va t’orienter vers ce que tu dois apprendre pour progresser et comment trouver la solution.
J : En tant que DJ, tu as vraiment plein de tâches différentes qui vont du rangement de ta bibliothèque musicale à la gestion de l’administratif, en passant bien sûr par la découverte de nouveaux sons et au développement de ta technique de mix. Il y a donc de vraies similitudes avec un modèle d’organisation professionnelle, sauf que ta véritable valeur ajoutée va se trouver dans ta créativité. Et il existe tout un mythe autour de ça, avec cette croyance répandue que l’inspiration arriverait de manière presque divine à certaines personnes et pas à d’autres. Tu évoquais le sport et je trouve que c’est une bonne comparaison. Parce qu’effectivement, ça peut arriver à des athlètes de faire des surperformance sans qu’ils puissent véritablement se l’expliquer. Sauf que ça ne se produira jamais sans des centaines voire des milliers d’heures d’entraînement. C’est pareil pour les écrivains : il n’y a pas d’éclair de génie possible sans s’être jamais posé devant une page blanche et avoir écrit des textes qui n’avaient rien d’exceptionnel. Mais quand tu y réfléchis, l’inspiration elle peut se forcer. Seulement, ça implique de surmonter cette fameuse demie-heure où tu bidouilles sur ton logiciel de production et où tu n’arrives à rien de bon. Et surtout, il y a tout ce côté analytique auquel faisait allusion Kheireddine qui fait que tu vas retravailler la première version d’une nouvelle composition pendant des heures. Quand tu vois les brouillons de Flaubert, c'est des pages et des pages de ratures, de phrases réécrites puis barrées de nouveau. Pour moi, c’est vraiment le travail qui aboutit aux plus grandes réussites, bien au-delà de l’inspiration.
Ce que je trouve fascinant quand on commence à écrire ou à faire de la musique, c’est le fait de développer son propre style. Avant de vous mettre à la production, c’est par la scène que vous vous êtes faits connaître. Alors je me demandais, comment développe-t-on son identité sonore en tant que DJs ?
K : Je dirais que notre univers est quelque part entre nos racines, qui sont liées à nos histoires respectives, et nos goûts, qui ont évolué en parallèle à l’explosion de la musique électronique. Ce qui nous tenait à coeur, c’était de pouvoir passer des sons dans une même soirée qui feraient aussi bien danser des jeunes que nos parents. Le résultat, c’est un mélange entre des tracks allant de la techno à la psytrance et des sonorités plus anciennes empruntées au monde arabe et oriental.
J : Notre enjeu lors d’un DJ set, ça va être de réussir à prendre les gens par la main pour les emmener vers notre univers. Reste qu’il faut faire attention à se renouveler et ne pas s’enfermer dans une identité figée. Aujourd’hui, on nous attend sur un set autour de 130 BPM, composée de tracks tantôt orientales, tantôt psychédéliques, avec un kick bien prononcé. Mais je tiens à ce qu’on ne se sente jamais prisonniers de cette identité sonore, et qu’on puisse s’en écarter dès qu’on en aurait envie.
En tout cas, vous évoluez à l’intérieur d’une scène musicale en pleine effervescence. D’un côté, le matériel et les logiciels de DJing et production sont devenus plus accessible au niveau de leur prix et de leur simplicité d’utilisation. De l’autre, la musique électronique se décline aujourd’hui en une multitude de formats d’événements, de jour comme nuit, avec de nouveaux collectifs, médias et assos qui se sont taillés une place en quelques années aux côtés d’acteurs plus traditionnels. Alors dans un sens, on peut avoir cette impression que les barrières à l’entrée sont plus basses et qu’il est devenu plus “facile” de trouver une place dans le circuit actuel. En tant qu’insiders, quel est votre ressenti sur la question ?
J : Aujourd’hui, c’est devenu plus facile d'intégrer le milieu par un biais ou un autre : soit parce que tu écris pour un blog, parce que tu fais du bénévolat pour une asso, ou que tu vas connaître les membres d’un collectif. Et donc, tu n’auras pas forcément trop de problèmes pour te retrouver programmé sur un créneau horaire où il n’y a pas grand monde — ce qui est hyper-utile pour se faire la main en tant que DJ. Mais la conséquence directe de cette accessibilité accrue, c’est que l’écosystème s’est professionnalisé très rapidement. Et avec des plateformes de streaming saturées, c’est devenu très difficile de se faire un nom en ligne. Il y a aussi un très gros niveau maintenant, notamment à Paris. Et avec l’accès à la production musicale qui s’est démocratisé, tu vois arriver des gens issus de classes assez aisées qui ont par exemple dix ans de piano ou de théorie musicale derrière eux, ce qui est un avantage comparatif non-négligeable. Donc, je pense que c’est au contraire devenu plus difficile qu’auparavant de sortir du lot en tant que DJ.
K : Ces barrières à l’entrée plus basses ont aussi eu pour effet d’accroître la diversité au sein de l’écosystème. Même si le niveau général est devenu plus haut, ça a permis à plus de monde d’appliquer ses idées et influences au mix ou à la production. Et c’est aussi ça qui fait que l’écosystème a gagné en richesse et en maturité.
Personnellement, j’ai toujours trouvé que le milieu de la musique électronique et celui de la technologie avaient des trajectoire très similaires. D’ailleurs, vos remarques pourraient être tout à fait transposables à l’écosystème entrepreneurial actuel. J’aimerais maintenant faire le pont entre votre discipline et le fil rouge de cette newsletter : l’écriture. On l’a évoqué plus tôt : il y a de nombreux points entre composer un morceau ou préparer un DJ set avec le fait d’écrire. Sauf qu’à la différence de l’écriture qui est soumise à une certaine structure, avec des mots, des phrases et une grammaire, la musique électronique est comme une nouvelle langue qui fait la part belle à des sons, des beats, des kicks, etc. Alors, j’aimerais beaucoup que vous m’expliquiez le cheminement et la logique qui aboutissent à la composition d’une track ?
J : Comme pour l’écriture, il va y avoir une vraie recherche sur le volet esthétique et émotionnel. Sauf que celle-ci est encore plus libre que dans la littérature, dans le sens où la musique [électronique] s'affranchit du langage. On a longtemps pensé que les émotions étaient universelles et on s'est rendus compte que ce n’est pas forcément le cas. Si la musique touche des émotions partagées par tous comme la joie, la tristesse, le calme ou encore l’érotisme, leur perception n’est pas identique par tous et sont fortement liées à la culture et au contexte. Or, la projection de ta psyché dans un morceau de musique électronique va être encore plus forte, dans le sens où il n'y a personne pour accompagner ta pensée dans son cheminement. Ce n’est pas le cas de la littérature, où le choix des mots va grandement t’influencer dans ta lecture. À mes yeux, c’est un art qui s’approche de la peinture non-figurative dans la mesure où c'est de l'abstraction pure. Maintenant, j’ai l’exemple d’une situation avec Kheireddine qui illustre bien le parallèle entre écriture et production d’un morceau électronique. En gros, ta musique se construit sur un temps plus ou moins long entre chaque “moment” musical. C’est aussi bien valable dans l’enchaînement d’une note à l’autre — la présence d’une note résonnant encore sur la suivante — mais aussi sur une temporalité plus longue à l’échelle de ton morceau. Comme dans la fiction avec ses grands schémas narratifs, il existe également plusieurs écoles de pensée. Par exemple, la musique a longtemps eu tendance à commencer doucement pour gagner en puissance au fil du morceau. Alors quand un jour Kheireddine m’a dit qu’il galérait avec un arrangement dans une production, je lui ai conseillé de s’inspirer d’une histoire qu’il connaissait. Prenons Le Petit Prince par exemple. Imaginons que le garçon corresponde à un élément musical de ton morceau, genre la flûte. Comme dans le livre, il va rencontrer et interagir avec des personnages comme le renard, que tu vas associer à d’autres éléments. Et après, tu vas construire ton morceau en associant tes moments musicaux aux événements contenus dans l’histoire — que tu choisisses de la suivre ou de la modifier au gré de ton imagination d’ailleurs. Et si tu es sur un morceau qui commence fort dès le début, tu vas essayer de trouver un schéma narratif équivalent. C’est le cas de L’Étranger de Camus par exemple, avec sa première phrase “Aujourd’hui, maman est morte”.
K : Quand j'ai commencé, je n’avais aucune idée de comment formuler “électroniquement” les messages et émotions que je voulais faire passer. Alors pour ma première track, j’ai voulu me raccrocher à la suite de Fibonacci pour donner une structure logique à mes éléments musicaux. Sauf que je n’y arrivais pas, et c’est là que Jad m’a conseillé de m’inspirer d’une histoire. Le sample vocal que j’avais choisi m’a beaucoup aidé, puisque c’est un poème du XIIIème siècle par Djalâl ad-Dîn Rûmî. Et donc, j’ai prêté plus attention à son histoire, qui est aussi celle du soufisme. Dans le texte, il est question d’amour de soi et du divin. C’est l’histoire de Rûmî et Shams ed Dîn Tabrîzî : deux ermites qui choisissent de s’exiler pour méditer sur l’existence et dont la pensée influencera le soufisme à tout jamais. La méthode de Jad m’a beaucoup aidé à transposer mon interprétation du poème et à traduire mes émotions en musique. Et ça a donné Byzantine Blockchain !
Excellent ! Et quelles différences et similitudes faites-vous entre la production musicale et la construction d’un DJ set ?
J : Les deux exercices se rejoignent au niveau de leur structure. Dans un DJ set, tu retrouves également un schéma narratif découpés en différents moments musicaux : une introduction plus ou moins longue, suivie d’une transition vers le cœur de ton univers, et enfin une conclusion. La différence majeure va se retrouver au niveau de la distribution de ta musique. Dans un DJ set, tu as deux phases à ne pas négliger en amont : l’observation du public et l’organisation de ta bibliothèque musicale. Quand on mixe avec Kheireddine, on n’a très honnêtement aucune idée de ce qu’on va jouer avant d’être sur place. On a bien sûr nos envies, nos attentes, les dernières découvertes qu’on aimerait placer, et on sait tous les deux dans quelle direction on veut aller. Reste à définir quel chemin emprunter. C’est pour ça qu’on arrive toujours 30-45 min en avance : ça nous permet de prendre le pouls de la soirée, parfois de découvrir le lieu, et bien sûr d’écouter l’artiste qui joue avant nous. Une fois que tu as passé cette phase d’observation, on essaye de reprendre le public là où le DJ précédent l’a laissé. Donc tu vas avoir une nouvelle phase entre 30 et 45 minutes (selon la durée de ton set) où tu vas devoir gagner sa confiance par le choix de tes tracks. Et une fois que tu sens que le public est avec toi, tu as le champ libre pour les inviter dans ton univers musical. C’est d’ailleurs pour ça que la façon dont tu as organisé ta bibliothèque est crucial. De notre côté, on n’est pas forcément à l’aise de ranger nos playlists par BPM, époque ou genre musical, dans le sens où ça peut vite te brider dans ta créativité. Par exemple, on aime beaucoup jouer des sons entre 128 et 133 BPM [battements par minute]. Mais si tu as une playlist qui réunit toutes tes tracks dans ce tempo, tu vas développer certains réflexes et automatismes qui vont souvent te faire choisir par défaut les mêmes morceaux. On préfère avoir des playlists classées par types de lieux, ambiances, humeurs ou encore moments de la journée, histoire d’avoir une bibliothèque force de proposition pour toutes situations.
K : Quand tu es programmé en DJ set, tu as la mission de faire danser les gens. Tu as donc cette contrainte qui peut te donner l’impression que tu n’es pas totalement libre dans ta musique. Mais ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que toi aussi tu es là pour kiffer. Je ne sais pas si c’est le fait de jouer à deux, mais j’aime me considérer moi-aussi comme un spectateur. D’une certaine façon, me mettre à la place du public me permet de me faire une idée de leur perception de la musique jouée. Et c’est là que la notion de schéma narratif peut aider. Si tu imagines un spectateur raconter sa soirée le lendemain, de quels moments as-tu envie qu’il se souvienne ? Quelles sont les émotions que tu veux lui faire passer ? Quels sont les mots avec lesquels tu aimerais qu’il décrive ton set ?
C’est exactement pareil que quand tu écris, au final. Et alors, je me demandais : dans quelle mesure devenir DJs a changé votre façon d’écouter de la musique ?
K : Le gros truc qui change, c’est que tu as tendance à te demander systématiquement comment le morceau que tu écoutes passerait dans un de tes sets — et plus insidieusement, si le public aimerait bien. Et il est là le piège (rires) ! C’est pour ça que c’est important de distinguer l’écoute pour le plaisir du digging, qui va plutôt être une sorte de veille musicale. Pareil, avant je faisais des playlists à l’arrache juste pour moi. Maintenant, j’y fais beaucoup plus attention dans la mesure où l’organisation de ma musique fait partie intégrante de mon métier.
J : Dans l'idéal, on aimerait pouvoir être capables de jouer tout et n'importe dans un DJ set. Et donc de ne pas avoir à distinguer tes sessions de veille de ta découverte musicale pour ton plaisir à toi. Dans les faits, c’est plus compliqué : il y a auxquelles tu dois t’adapter comme la vitesse des morceaux, le genre musical, l’époque de production, mais aussi les attentes du public et de l’organisateur. Aujourd’hui, je dois reconnaître que le digging a pris le pas sur ma consommation personnelle. Reste que, si j’adore jouer de la psytrance sur scène, mon seuil de tolérance va être plus bas au casque que sur scène. Au bout de 25 minutes, ma tête explose (rires).
J’imagine que ça fait partie des risques du métier (rires). J’avais une dernière question pour vous. Quelle a été votre plus grande surprise depuis le début de l’aventure Kabylie Minogue ?
K : Tout est surprenant depuis qu’on a commencé (rires). Si on m’avait dit il y a cinq ans que je démissionnerais de mon job en banque pour devenir musicien et transformer mon appart’ en studio, je n’y aurais jamais cru. Pour ma famille et certains amis, ça a été une drôle de surprise aussi (rires). Ça me fait bizarre quand je vois mes amis d’Algérie avec qui je suis venu étudier en France et avec qui je partageais les mêmes rêves à l’époque. Et intégrer une grande banque, avoir une carrière : ça en faisait partie. Aujourd’hui, j’ai 30 ans et je suis tout aussi surpris qu’eux de voir le tournant qu’a pris ma vie.
J : L'accueil positif du public a également été une vraie surprise. Et alors qu’on n’avait aucune expérience, qu’on sortait pas mal mais sans forcément être plus fêtards que d’autres, ça a été hyper-satisfaisant de nous rendre compte qu’on n’était pas mauvais à ça. Alors certes, il y a toujours une part de chance quand tu démarres. Mais on a toujours pensé à la finalité avant tout, en nous demandant comment on pourrait arriver là où on voulait aller. Et jusque là, on s’est plutôt bien débrouillés. Donc pour moi, la vraie surprise c’est de voir que ça marche.
Et c’est tout le mal que je vous souhaite pour la suite. En tout cas, c’était un format assez unique pour moi d’interviewer un duo dans un domaine qui n’est pas le mien. Et ça a été un vrai plaisir de m’initier à l’exercice avec vous et je suis très heureux du résultat. Alors encore merci les gars, et à bientôt !
5 tracks sélectionnées par Jad et Kheireddine
Hamid El Shaeri — Ayonha (1980) [réédité par Habibi Funk en 2017]
“Une pépite douce et pleine d’espoir.”
Ziad Rahbani — Prelude, Theme from Mais El Rim [Zida, 1978]
“La masterclass disco-funk de plus de 12 minutes de Ziad Rahbani, le fils de la chanteuse Fairouz.”
Said Mrad — Move (Oriental Mix) [Music Master International, 2014]
“Une track du pionner libanais de l’électro-orientale dont la rupture rythmique à 1:14 peut te réveiller tout un dance-floor éteint.”
Omar Faruk Tekbilek — Baladi (Mehmet Aslan Edit) [Disco Halal, 2015]
“Coup de foudre !”
Tinariwen — Iswegh Attay [V2, 2011]
“Pour finir en douceur autour d’un thé, sur le blues du désert de Tinariwen.”
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Vlad s’est fait interviewer par Noémie dans son podcast.
Marie dresse le panorama de la monétisation de newsletters.
Valentin passe le flambeau de Sauce Writing à Youssef.
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Hind est passée au micro de BFM pour défendre les indépendants.
Kilian a annoncé le lancement d’une communauté privée de créateurs.
DERNIÈRE CHOSE…
La prochaine édition marquera donc le premier anniversaire de Plumes With Attitude. Pour l’occasion, et si vous me disiez ce que vous avez aimé (ou non) dans la newsletter cette année, quelles ont été vos éditions favorites, ou encore les thèmes et invités que vous aimeriez voir dans les prochaines publications ?
Et si vous voulez en parler sur Twitter ou LinkedIn, ne vous privez absolument pas. 😇
Prenez soin de vous, et bien sûr…
May the words be with you,
Benjamin
P.S : Retrouvez toutes les newsletters précédentes dans l’archive de Plumes With Attitude. Et si vous avez aimé cette édition, n’hésitez pas à la partager autour de vous, ainsi qu’à vous abonner pour recevoir les suivantes par e-mail.