“The empires of the future are the empires of the mind.”
— Winston Churchill
J’ai toujours vu la lecture comme un voyage, l’écriture comme une exploration. Après une enfance passée dans le monde des livres, Internet m’a donné tout un nouvel univers à arpenter. Certains en ont fait un terrain de jeu, d’autres un laboratoire clandestin. J’aime comparer Internet à l’équivalent réel de la Salle sur Demande de Poudlard. De mon côté, c’est devenu ma bibliothèque préférée.
Depuis 2014, vous pouvez m’y croiser tous les jours dans un rayon en permanence bondé : Twitter. Il y a beaucoup de bruit et c’est souvent le chaos, j’aime bien. Tendez l’oreille au bon moment et vous entendrez de belles idées, ouvrez les yeux au bon endroit et vous verrez naître les grands projets de demain, suivez chaque jour de nouvelles personnes et vous serez initiés à d’autres façons de penser.
C’est dans ce drôle d’endroit que j’ai choisi de lancer un certain projet de vie, emprunté lui aussi au monde de la magie : créer ma propre Pensine. Cela fait maintenant six ans que j’y recueille mes plus belles lectures, idées, inspirations, et bien sûr : pensées. Aujourd’hui, mon compte Twitter est comme une extension de mon cerveau… sans troubles de mémoire.
La magie du quotidien en libre accès
Comment se retrouver dans une bibliothèque sans avoir de repères ? Comment retenir ce qu’on lit sans suivre une certaine méthodologie ? Et quoi de mieux pour prolonger sa réflexion que de partager ses découvertes par écrit ?
L’écriture m’a toujours fasciné. Pas seulement en tant que moyen de création, mais pour son potentiel infini de documentation. Si écrire m’aide à mettre de l’ordre dans mes pensées, publier me permet de les figer dans le temps. Un tweet n’a pas pour seule vocation de diffuser ses idées, c’est aussi une façon de les dater. Et donc d’y revenir à tout moment. Exactement comme une Pensine.
Reste que Twitter a ses failles. Si l’oiseau bleu est un formidable outil d’agrégation, il montre vite ses limites sur un volet du contenu sur lequel nous reviendrons plus tard : la curation. Compter exclusivement sur un algorithme pour accéder à de nouvelles idées revient à jouer son éducation sur un lancer de dés. C’est pourquoi j’ai choisi d’explorer en parallèle un média plus humain : les newsletters.
Prophéties auto-réalisatrices
C’est en 2017 que l’e-mail est devenu mon moyen de communication préféré. Créer une newsletter a été mon épreuve du feu pour décrocher le premier job que j’aie jamais aimé : Concepteur-Rédacteur. C’est à ce moment que j’ai pris conscience de son potentiel pour se différencier.
Pendant deux ans, on m’a confié la mission d’absorber, digérer et créer du contenu sur des mouvements destinés à façonner l’avenir de notre société. Plateformisation de l’économie, montée du freelancing ou encore avènement du télétravail : je m’imprégnais au quotidien de ces transformations que nous réservait le monde de demain. Plus que par Twitter, l’essentiel de ma veille provenait désormais de ma lecture assidue de près d’une trentaine de newsletters différentes.
Ce que j’ignorais à l’époque, c’est que tous ces sujets allaient bientôt devenir les contours de ma propre réalité. Ou encore que mon goût pour les newsletters allait me donner envie d’en écrire une à mon tour. En septembre 2019, je lance la première édition de Plumes With Attitude : une publication indépendante vouée à explorer en profondeur les thèmes de l’écriture et de la lecture.
Vivre de sa plume, voler de ses propres ailes
Je n’ai jamais aimé rester en surface. J’ai toujours été convaincu que les meilleures réponses viennent en creusant. Cette approche personnelle, j’ai choisi de la relier à une question que je me suis longtemps posé : comment vivre de sa plume aujourd’hui ?
J’avais deux hypothèses de départ :
☝️ S’il est difficile de vivre de sa plume aujourd’hui, c’est parce que l’écriture est sous-estimée en tant que compétence technique.
✌️ S’il est difficile de vivre de sa plume aujourd’hui, c’est parce que l’écriture n’est ni appréciée ni rémunérée à sa juste valeur.
La simple évocation du terme “écriture” est d’ailleurs très rare dans le monde du travail. Dans le meilleur des cas, il est question de “création de contenu”, de “stratégie éditoriale” ou encore de “conception-rédaction”.
Les plumes littéraires ou journalistiques se retrouveront quant à elles qualifiées de “pigistes”. Trop souvent, on les questionnera davantage sur leur maîtrise du SEO que sur leur style d’écriture. Parfois, on leur proposera même d’être rémunérées au mot.
Car bien sûr, la “création de contenu” est très souvent externalisée. Et quand des entreprises recherchent des talents pour des missions de rédaction, celles-ci ont tendance à reproduire — à tort — des codes empruntés à la gig economy.
Environnement toxique recherche formule magique
Seulement, l’écriture n’est pas une offre standardisée. Chaque plume est unique, chaque sujet est différent. Et à mes yeux, toute création doit être différenciante. Comment une entreprise peut-elle espérer briller par son contenu si celle-ci néglige les personnes qui vont le produire ? Et comment peut-on s’imaginer obtenir le meilleur résultat en tirant toujours plus les prix vers le bas ? Au mieux, c’est un manque d’ambition assumé. Mais dans le pire des cas, c’est l’aveu tacite d’une absence de discernement.
Le résultat est une mauvaise expérience pour tous. L’attention du lecteur est constamment détournée vers des contenus dénués de la moindre valeur. Si vous m’avez déjà lu, vous connaissez peut-être ma foi en la fameuse Loi de Sturgeon. Celle-ci n’a jamais été aussi pertinente que sur le volet de la création de contenu. Payer des rédacteurs au lance-pierre a un coût : celui d’un énorme manque à gagner.
Car si vous creusez, vous remarquerez que ces mêmes entreprises peinent à décrire la nature même de leur activité. Elles vanteront la complexité de leur technologie, mais ne réussiront pas à mettre les bons mots dessus. Elles abuseront de buzzwords, mais n’auront aucune clarté dans leur message. Proposer des solutions à des problèmes que l’on ne parvient pas à expliquer simplement, c’est la garantie de construire un produit que l’on n’arrivera pas à vendre.
Redonner à l’écriture ses lettres de noblesse
Le moment était donc venu pour moi d’attaquer le problème à la racine. Après avoir développé une certaine vision de ma discipline, j’avais trouvé ma mission. Redorer le blason de l’écriture sur le marché du travail me semblait indispensable pour permettre à plus de personnes de vivre de leur plume. Et aussi de sensibiliser plus d’entreprises à l’impact de l’écrit dans leur propre survie.
Si la passion est souvent citée comme la variable à suivre pour réussir dans la vie, c’est loin d’être mon avis. Personnellement, je crois plutôt à l’obsession. Être fasciné par une problématique est à mes yeux le véritable moteur d’un projet de vie qui avance. C’est aussi l’ingrédient qui m’a permis de construire la trame de ma newsletter.
J’avais identifié trois enjeux majeurs :
Éducation — Prouver par l’exemple que l’écriture est une compétence aussi essentielle que sous-estimée, bien au-delà du seul domaine du contenu, via des interviews de plumes “with attitude” ;
Exposition — Rechercher par moi-même des missions en freelance non-référencées, et relayer les plus belles opportunités en CDI, chez des entreprises qui apprécient et rémunèrent le travail d’écriture à sa juste valeur ;
Curation — Proposer une sélection personnelle de ressources pour mieux écrire, s’inspirer au quotidien et accéder à des réflexions de haut vol.
Il me restait encore à donner une âme à Plumes With Attitude, et ainsi à affirmer sa singularité. Ce que je voulais avant tout, c’était une newsletter qui me ressemble. Et j’avais une petite idée de la direction que je voulais prendre… mais aussi de ce que je ne voulais pas.
🙅 Ce que je n’allais pas faire :
Lire tous les articles inimaginables (et gonflés en SEO) sur la “meilleure façon” d’écrire une newsletter indépendante ;
Étudier les plus grandes newsletters du moment “juste pour m’inspirer” et “trouver mon propre style” ;
Écrire en anglais pour avoir des lecteurs dans le monde entier ;
Produire un contenu “snackable” qui “va à l’essentiel” ;
Publier des opportunités en freelance et CDI venant de n’importe où, sans me soucier de la mission en elle-même, et de la rémunération associée ;
Interviewer des “gourous” de l’écriture, avec une trame “scalable” de questions recyclables à l’infini et au-delà ;
Trouver le meilleur moment de la journée pour envoyer une newsletter ;
Décider que ce serait désormais mon créneau, que je pouvais désormais indiquer dans mon agenda de publication ;
Avoir un agenda de publication.
🙇 Ce qui m’intéressait davantage :
Me fixer un objectif initial raisonnable et réaliste, à savoir faire durer le projet au moins jusqu’à la fin de l’année 2019 ;
Créer du contenu qui répond à mes attentes et non à celles d’un lectorat, qui à l’époque n’existait même pas ;
Écrire en français, car c’est la langue dans laquelle je pense et m’exprime le plus naturellement ;
Interviewer des personnes que j’admire personnellement et/ou dont je veux découvrir la façon de penser ;
Aller en profondeur dans mes interviews, sans avoir à me soucier de la longueur du rendu final de la retranscription ;
Publier des opportunités de missions freelances à la condition sine qua non que celles-ci soient correctement rémunérées ;
Me réserver le droit de refuser une offre qu’on me demanderait de partager ;
Envoyer ma newsletter quand je veux, en semaine comme le week-end, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit ;
Me fixer une seule règle de publication : deux éditions par mois, chaque mois ;
Miser avant tout sur le bouche à oreille et la croissance organique ;
Mettre (au moins) un GIF par édition.
L’heure du verdict
Sept mois après sa création, je prends toujours autant de plaisir à préparer chaque nouvelle édition de Plumes With Attitude. En l’espace de 14 newsletters, j’ai pu interviewer des personnalités fascinantes, explorer des sujets et idées allant bien au-delà du domaine de l’écriture, tisser des liens privilégiés avec des plumes de tous horizons, ou encore dégotter plus de 80 missions freelances et CDI dans des entreprises parmi les plus incroyables de l’écosystème entrepreneurial actuel.
Le mois d’avril a commencé par une excellente nouvelle. Plumes With Attitude vient de passer la barre symbolique des 1000 abonnés. Semaine après semaine, je suis toujours aussi heureux de recevoir des e-mails inattendus de lecteurs qui ont trouvé une mission grâce à la newsletter, qui me partagent leurs projets du moment, ou qui veulent simplement me témoigner leur soutien. Là où je pensais initialement plaire à un public de niche, j’ai eu l’agréable surprise de voir que mes écrits pouvaient toucher une audience bien plus large que je n’aurais imaginé.
“Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.”
— Marcel Proust
Le début de l’année 2020 a changé mon regard sur mon activité. Vouloir vivre de ma plume est une chose, mais et si je pouvais vivre de… “Plumes” ? Cette perspective radicale m’a été soufflée lors d’une conversation initiée par Hamish McKenzie, ancien journaliste indépendant également passé par Tesla, et aujourd’hui co-fondateur de Substack.
Au-delà d’être l’outil formidable que j’utilise pour publier ma newsletter, Substack permet à des auteurs indépendants de trouver leur audience et de créer une publication payante en deux temps, trois mouvements. La start-up est souvent citée comme l’un des fers de lance de la passion economy. Cette mutation récente du freelancing a été théorisée par Andreessen Horowitz : le fonds d’investissement de premier plan qui soutient Substack aux côtés du célèbre Y Combinator.
Selon cet entrepreneur décidément bien entouré, j’avais ce qu’il fallait pour lancer une publication payante... dès maintenant. Mes chiffres étaient bons, ma proposition de valeur plutôt claire, et mon audience apparemment assez engagée. Mon premier réflexe a été d’accepter poliment les encouragements du jury sans toutefois y donner suite. Ou peut-être un jour, ou peut-être jamais. Mais certainement pas maintenant.
Cela me semblait inconcevable de me lancer dans une voie empruntée par des auteurs de renom comme Ben Thompson (Stratechery) et Azeem Azhar (Exponential View). En plus, la création de ma newsletter ne remontait qu’à quelques mois seulement. Ce qui n’était au départ qu’une bonne intention a fait renaître en moi le fameux syndrôme de l’imposteur. Et puis, j’ai fait mûrir ma réflexion. Pour finalement donner une seconde chance à l’idée.
La plume et l’iceberg
Plumes With Attitude répond à un besoin très personnel : utiliser l’écriture pour ouvrir des portes vers des univers fascinants. Souvent, j’étais même presque triste à l’idée de les refermer si vite. Et de ne pas pouvoir explorer davantage sur ce sujet par écrit. Car dès qu’une édition est publiée, je dois déjà penser à la suivante.
J’accorde beaucoup d’attention à la curation, que ce soit au niveau des opportunités et contenus partagés, des thématiques abordées, et évidemment dans le choix de mes invités. Mais c’est aux lecteurs qu’il revient de creuser pour pleinement s’approprier ces nouvelles idées et façons de penser.
Quant à moi, j’ai pris conscience des limites de mes choix. Malgré le parti pris du long format, je me retrouvais avec peu de place pour creuser les thèmes abordés avec mes invités. Je m’étais donné comme mission d’explorer les profondeurs de ma Pensine, mais je ne faisais qu’effleurer la surface.
Récemment, j’ai découvert un concept emprunté à un certain Ernest Hemingway : la théorie de l’iceberg. Celle-ci se reflète dans son style souvent attribué à son passé de journaliste : une écriture synthétique et basée sur les faits. Hemingway considère que toute la richesse d’une histoire ne se trouve pas dans le texte, mais entre les lignes. Dit autrement, c’est dans ses omissions qu’un auteur révèle sa véritable complexité.
“The dignity of movement of an iceberg is due to only one-eighth of it being above water.” — Ernest Hemingway
L’écriture n’est pas la fin du voyage
À mes yeux, la théorie de l’iceberg peut s’appliquer à tout. Prenez par exemple le concept de “Pensine” que j’évoquais plus haut. Si cette dernière était comparée à un iceberg, alors le contenu que je publie sur Twitter et dans ma newsletter n’en représenterait que sa partie émergée. Pour aller explorer ce qui se passait sous la surface, j’avais besoin de deux éléments : un nouveau média et du temps.
Écrire sur l’écriture est un exercice passionnant. Je trouve qu’il existe un véritable plaisir à lire, écrire, choisir ses mots, développer ses goûts, trouver son style, s’ouvrir à de nouvelles idées, structurer sa pensée. Seulement voilà, l’écriture n’est pas la pensée. Et pour cause : cette dernière est la partie immergée de l’iceberg.
Alors j’ai décidé de lancer une nouvelle newsletter. Sur la pensée.
Rassurez-vous : je suis loin d’en avoir terminé avec Plumes With Attitude, qui va continuer de plus belle. Seulement, le paon dans la basse-cour va bientôt être rejoint par un autre drôle d’oiseau. Et je compte bien en faire son véritable doppelgänger. Même que celui-ci a un petit nom…
Avec Black Swans Collection, j’ai pour ambition de creuser la réflexion, connecter les idées entre elles, et aller trouver des réponses à l’intersection des disciplines. Aux conseils de productivité, je préfère le caractère spontané de la proactivité. Quant au développement personnel, je le vois avant tout comme un exercice intellectuel. Une chose est sûre : je n’ai pas l’intention de me ranger du côté de la conformité.
Dans la culture populaire, le symbole du cygne noir est associé à la dualité, la surprise, l’inconnu. Si vous êtes familiers avec la théorie de Nassim Nicholas Taleb, vous savez que celui-ci désigne un événement rare, de nature imprévisible, et aux conséquences incertaines. Et c’est précisément là où je veux vous amener.
Comme Plumes With Attitude, cette nouvelle newsletter arrivera deux fois par mois dans vos e-mails. Et quoique je compte développer sa dualité avec sa grande sœur, il me sera quant à moi impossible de me dédoubler. Et de gérer de front mon activité de freelance et le développement d’un nouveau projet.
C’est pourquoi Black Swans Collection sera une publication payante.
Chaque mois, je vous propose de recevoir deux éditions de cette nouvelle newsletter, en complément de Plumes With Attitude qui garde son rythme habituel. Plus d’une trentaine de minutes de lecture supplémentaire vous attendent. Ajoutez à cela de la matière brute pour faire murir votre réflexions sur des sujets d’avant-garde.
Aujourd’hui, je vous propose deux types d’abonnements :
☝️ 7€ par mois (une pinte ou trois cafés, c’est selon)
ou…
✌️ 70€ l’année (happy hour !)
Enfin, sachez que si vous êtes entrepreneurs et que vous avez créé une personne morale, votre abonnement à Black Swans Collection peut compter comme un frais professionnel.
Dernière chose : la première édition arrive le 10 avril ! 🐣
D’ici là, comptez sur moi pour lever le mystère autour de Black Swans Collection. Attendez-vous à une nouvelle publication prévue pour le début de semaine prochaine.
Un grand merci à vous pour votre lecture ! Je me tiens à votre entière disposition pour répondre à toutes vos questions, et peut-être même vous donner quelques spoilers. 😉
May the words be with you,
Benjamin
P.S : Mille mercis à Marianne pour tous ses conseils de plume, et à Lola pour l’illustration de Black Swans Collection ! 😍
P.P.S : La suite de cet article est juste ici :