“If you're not embarrassed by the first version of your product, you've launched too late.” — Reid Hoffman
Après une semaine riche en publications, il est temps pour moi de vous dévoiler la première édition de Black Swans Collection. Pour commencer en beauté, laissez-moi vous souhaiter la bienvenue dans ce nouveau projet et surtout vous dire un immense MERCI pour votre confiance.
Comme je vous ai déjà beaucoup parlé du projet entre deux sombres histoires de tickets de bus et autres créatures à collectionner, je vous propose d’en découvrir le premier extrait sans plus attendre.
En vous souhaitant une bonne lecture et d’agréables pensées,
Benjamin
🧠 HEAD… Dompter les 7 Péchés Capitaux de l’Éducation
Aujourd’hui, l’incitation à se former est partout. De nouvelles écoles fleurissent, les entreprises misent gros sur le contenu pour “éduquer” leurs clients, et la vente de formations est devenu un business juteux pour de nombreuses consultants.
Pour cette première édition, j’ai décidé d’aborder un enjeu crucial vu par un prisme spécial, celui des Sept Pêchés Capitaux. Car pour mieux choisir sa prochaine formation, mieux vaut connaître les forces (et faiblesses !) qui dirigent nos décisions :
Paresse & Envie
Aucune lecture n’a autant influencé ma vie que la série sur la procrastination de Wait But Why, le célèbre blog de Tim Urban. Sa réinterprétation de la matrice de priorisation d’Eisenhower est une leçon de vie que je recommande les yeux fermés.
De nombreux vendeurs de formations usent (et abusent) de deux leviers fondés sur la procrastination : le besoin et l’urgence. Comme s’il fallait apprendre vite et maintenant. Face à cet impératif, le cerveau humain a souvent deux réflexes : prendre la première formation qui vient, puis bachoter comme à la veille d’un examen.
Je vois trois problèmes majeurs à cela :
La première formation qui vient est rarement la bonne. Même si la qualité est là, difficile de se distinguer quand tout le monde fait le même choix ;
La méthode intensive d’apprentissage n’est pas forcément faite pour vous ;
Une formation ponctuelle sans perspective long terme peut vite devenir obsolète.
Ben Thompson, auteur de la newsletter Stratechery, est devenu une voix unique dans l’écosystème tech. Dans son interview sur Farnam Street, celui-ci m’a bluffé par son analyse personnelle de deux modèles mentaux majeurs sur Internet :
Sur Google, nous voulons optimiser notre temps. L’enjeu est de trouver une solution rapide et précise. Notre esprit est fermé à tout ce qu’il ne recherche pas à ce moment précis.
Sur Facebook, nous acceptons de perdre son temps. Valable également pour Twitter et LinkedIn. Passé en mode distraction, notre esprit est ouvert à toute envie — consciente ou non — qu’il jugera digne de son attention.
En d’autres termes, un moteur de recherche est un outil de productivité là où un réseau social est un vecteur de découverte. Je suis personnellement convaincu que ce dernier est paradoxalement le plus disposé à l’apprentissage de façon générale. Pour en revenir à la matrice de Tim Urban, l’une des clés de la formation continue est selon moi de basculer une partie de vos distractions de Q4 (non-urgent, non-important) vers Q2 (non-urgent, important).
Exemples :
Suivre ses centres d’intérêts sur Twitter ;
S’abonner à des newsletters indés ou corpos sur des disciplines à explorer ;
Contacter des personnes dans des entreprises/jobs qui vous attirent.
Avarice & Gourmandise
À l’intersection de ces deux péchés souvent opposés se trouvent deux variables à utiliser à bon escient : l’argent et le temps. Vous pouvez par exemple être gourmand dans l’apprentissage et avare avec votre temps, mais pas forcément avec votre argent. Dans ce cas de figure, mieux vaut s’inscrire dans une démarche active et court terme de recherche du meilleur contenu — souvent payant.
Exemple personnel : Quand j’ai voulu investir en Bourse alors que je n’y connaissais rien, j’ai décidé de payer un abonnement pour accéder rapidement à des recommandations d’experts pour pouvoir me lancer immédiatement.
Si vous êtes plus vigilant avec votre argent mais que vous vous donnez le temps d’apprendre, vous avez tout intérêt à développer une approche d’apprentissage plus passive et long terme. L’idée va être d’identifier et agréger au fil du temps une information de qualité que vous allez suivre dans la durée.
Exemple personnel : C’est l’idée derrière ce que j’appelle ma Pensine. Product Hunt, YourStack et de nombreuses newsletters Substack sont d’excellents outils d’identification, là où Twitter et Notion font la différence sur le volet aggrégation.
Être conscient de la distinction entre approches actives/passives et court/long terme est à mes yeux une composante essentielle de l’apprentissage. Combiner ces deux méthodes est la clé pour développer un avantage concurrentiel durable.
Orgueil, Colère & Luxure
“Stop Reading Startup P*rn” : en voilà un titre d’article évocateur, avec une belle leçon à la clé ! Comme une grande majorité du contenu publié aujourd’hui, le monde de la formation fait souvent appel à vos plus viles pulsions. Si apprendre des meilleurs est souvent gage de réussite, viser trop haut et comparer votre propre succès a de grandes chances de vous mener vers un sentiment d’échec.
Méfiez-vous de ces formations qui vous promettent la lune trop rapidement. L’humilité m’a toujours semblé gage de qualité, là où l’orgueil me fait souvent penser qu’il y a quelque chose à cacher. Tel un investisseur, mener sa propre due dilligence me semble alors indispensable :
De quelles influences se réclament la formation ?
Qui sont les formateurs en question ?
La personne ou organisation en question a-t-elle des alumni ?
Ont-il davantage bénéficié d’un enseignement ou d’un réseau ?
Cette formation a-t-elle des produits de substitution ?
Conseil personnel : préférez toujours l’enseignement du samouraï à celui du rōnin.
Ressources recommandées :
Andreessen Horowitz : une bibliothèque de contenus très pointus
Holloway : je ne répéterai jamais assez de lire leur guide sur Twitter
FRNTIER : l’analyse macro du domaine de l’éducation est un must-read
✊ HAND… Pourquoi vouloir la peau des Personal CRM ?
Dex, Ntwrk, Monaru, Garden ou encore Uphabit sont des start-ups au cœur d’activité plutôt clivant. Et pour cause : celles-ci vous proposent de voir vos relations personnelles par le prisme du Customer Relations Management (CRM). Autant dire que la perception de ces nouvelles applications par la presse n’a pas été très enthousiaste. Car là où des entrepreneurs y ont vu l’opportunité de revaloriser nos relations, leurs détracteurs ont dénoncé l’approche utilitariste et la marchandisation de nos vies privées. Je n’utilise aucun de ces outils personnellement et n’ai aucune spreadsheet ressemblant de près ou de loin à un Personal CRM. Je suis néanmoins convaincu que cette pratique a de l’avenir, ce pourquoi je vais endosser le rôle de l’avocat du diable.
Plusieurs centaines — voire milliers — d’amis, followers et contacts répartis entre une poignée d’applications et réseaux sociaux. Parmi ceux-ci, une quantité non-négligeable de personnes appartenant au passé mais aussi de parfaits inconnus, ont le même accès à votre information et la même capacité à attirer votre attention sur des messages tantôt ennuyeux, tantôt… dangereux. Dans une ère souvent qualifiée de “post-vérité”, nous avons cette fâcheuse tendance à ne nous donner ni le temps ni les moyens de reprendre le contrôle de notre rapport à l’information. Si bien que celui-ci est délégué en grande partie à des algorithmes censés nous connaître mieux que quiconque. Le problème, c’est que ceux-ci n’ont pas vocation à nous faire évoluer vers le changement. Ce phénomène est notamment connu sous la dénomination de “filter bubbles”.
Pourtant, le changement fait souvent partie de nos souhaits. Que ce soit au moment des fameuses bonnes résolutions de début d’année ou de nos envies de reconversion, notre absence de méthodologie fait que nous ne savons souvent pas vers qui nous tourner. Dans un contexte où les réseaux sociaux sont montrés du doigt en continu pour leur toxicité, mes plus grands espoirs se tournent vers l’émergence de nouveaux modèles plus sains de communautés. Et alors que les frontières sont de plus en plus floues pour de nombreux individus entre vie professionnelle et privée, les Personal CRM me semblent paradoxalement l’une des meilleures solutions actuelles pour se réconcilier avec la notion d’intimité. Car au fond, faire le tri dans ses inombrables relations n’est-il pas un passage obligé pour remettre de la qualité et du sens dans ses interactions ?
Pour aller plus loin…
Si aucun Personal CRM n’a encore réellement décollé, l’équipe du start-up studio français eFounders a bien l’intention de créer le premier produit star de sa catégorie. Leur réponse s’appelle Folk (toujours en développement) et a la particularité d’être entre les mains de Thibaud Elzière, lui-même fondateur et CEO du start-up studio. Personnellement, c’est ce que j’appelle un bon signal !
❤️ HEART… Quand la passion devient monnaie d’échange
Oubliez les athlètes, musiciens ou astronautes. Aujourd’hui, le métier de rêve des enfants occidentaux est YouTubeur, selon une étude menée par le groupe LEGO au Royaume-Uni et États-Unis. Si vous lisez Plumes With Attitude depuis un certain temps, vous êtes sans doute familiers avec le concept de “passion economy”. Celle-ci suit une logique de marché dans lequel l’offre crée sa propre demande. Et pour cause, il s’agit d’une économie construite autour de créateurs. Li Jin, l’analyste qui a théorisé ce nouveau mouvement, relevait ainsi que le nombre de concepteurs de cours en ligne qui gagnaient plus de 1000$/mois sur Podia avait une croissance mensuelle de 20%, ou que le montant moyen des donations sur Patreon avait progressé de 22% en deux ans.
Cette grille de lecture concentrée sur les créateurs en eux-mêmes est une analyse brillante, que j’estime néanmoins incomplète. Car selon moi, la passion n’est pas seulement une évolution de la monétisation des compétences d’un individu — comme dans la talent économy. La vision “top-down” qui prévaut actuellement (un créateur produit, des clients achètent) m’évoque plutôt un rapport transactionnel, là où je vois davantage un système de redistribution. Quoique gratuite, j’aime considérer Plumes With Attitude comme un produit de la passion economy. En sept mois, j’ai eu l’immense plaisir de recevoir et relayer des dizaines de projets initiés par des lecteurs — me disant parfois même avoir été inspirés par la newsletter. Ces dynamiques d’écosystème constituent à mes yeux une grille de lecture fondamentale sur le sujet qui gagneraient à être davantage creusées.
Pour moi, la passion est une véritable monnaie d’échange. Au-delà d’être ce qui guide un créateur, celle-ci n’a de valeur qu’à travers le prisme de l’expérience de son destinataire. Dit autrement, la passion est à mes yeux une évolution de l’attention à laquelle on se réfère tant en parlant des médias. C’est d’ailleurs une direction empruntée par des acteurs traditionnels comme le New York Times et sa publication “NYT Cooking” qui a attiré plus de 120 000 abonnés payants lors de sa première année de lancement. De là à dire que la passion economy sera à l’origine du grand “unbundling” des médias (mais pas que !), il n’y a qu’un pas. Après tout, qui aurait pu penser que créer des vidéos sur une plateforme lancée il y a seulement quinze ans puisse surpasser la popularité des astronautes, rock stars et autres champions de notre enfance ?
🦸♂️ HERO… Ankit Kumar Singh
À 21 ans, celui que je connais mieux sur Twitter en tant que @ankitkr0 est un jeune créateur de contenus que je suis de près. Basé à Bangalore, celui-ci est en charge de l’animation d’une communauté d’entrepreneurs pour le fonds de venture capital indien First Cheque. Il est également l’auteur de la newsletter Breakout Startups, qui dresse le portrait des nouveaux acteurs les plus prometteurs de l’écosystème tech mondial. L’an dernier, j’ai été particulièrement marqué par son article sur les nouvelles écoles et mafias d’Internet. Assurément un nom à suivre !
🕳️ HOLE…
Tables de la loi : L’essentiel des lois de la créativité résumées en un seul document. Évidemment, ma loi de Sturgeon préférée fait partie du lot.
Avant-garde : Bien que mystique par moment, ce travail impressionnant d’aggrégation offre un état de l’art des tendances culturelles majeures à venir (note : celui-ci a été publié avant le Covid-19).
Deux poids, deux mesures : Le développement de ses propres valeurs est souvent le fruit de l’expérienct. Mais rares sont les moments où l’on revient dessus pour les questionner. Pour cela, il existe une méthode radicale théorisée par Manson dans son best-seller The Subtle Art Of Not Giving A Fuck.
Miroir, miroir : Superbe vidéo par la publication Aeon sur l’origine de la danse et son évolution, vue par le prisme du concept d’effervescence collective d’Emile Durkheim.
DERNIÈRE CHOSE…
Surveillez vos e-mails, car je vous écris très bientôt pour recueillir vos premières impressions. Je vous souhaite un excellent week-end à toutes et à tous.
Prenez soin de vous,
May the words be with you,